Chroniques

par laurent bergnach

Gengis Khan
spectacle du Théâtre de l’Estrade

Théâtre 13, Paris
- 15 décembre 2007
Gengis Khan, spectacle du Théâtre de l’Estrade
© samuel guibal

Qui était vraiment Gengis Khan, dont le nom et la figure de conquérant sanguinaire faisaient trembler d'épouvante les peuples du XIIIe siècle ? Entre une comédie féroce et un conte de fées cruel ouvrant sa saison, le Théâtre 13 propose une réponse sous la forme d'une épopée écrite en 1955 par le poète et psychanalyste belge Henry Bauchau (né en 1913).

Accompagnant le metteur en scène Benoît Weiler dans une production du Théâtre de l’Estrade qui fait suite à celles d'Ariane Mnouchkine (1960) et de Jean-Claude Drouot (1989), le dramaturge Éric Pellet prévient : « Gengis Kahn n'est pas un héros tragique : il n'est pas soumis à la fatalité, il est lui-même la fatalité ». Apparaissant comme « un dieu dans sa chemise de chaînes », rejetant une tradition associée à l'esclavage et à la faim, souhaitant que chaque homme honore la divinité comme il l'entend, Témoudjin va mener la révolte du peuple mongol ; celle-ci l'amène à unifier les tribus nomades dont il devient le chef unique sous un nouveau nom, à conquérir la Chine du Nord, puis la Perse – « à Samarkand, l'épée de l'Islam est tombée dans la boue ». Peu avant sa mort, toujours en lutte avec ce « goût puant du passé », la rencontre avec un Vénitien évoquant un Nouveau Monde par delà l'Atlantique ranime son désir d'étendre la steppe à l'infini.

Dix comédiens retracent les quarante dernières années du fondateur du plus grand empire de tous les temps. Retenons particulièrement les relations de ce dernier, incarné par Laurent Letellier, tendre et rustre visionnaire, avec ses conseillers successifs : Timour, l'ami de la première heure – Thomas Blachet – et Tchélou t'sai, demi-chinois au service du Roi d'Or vaincu, qui prendra le relais à la mort du premier – Michael Maïno. Projetées tout autour des interprètes, des calligraphies servent de repères aux différentes régions traversées, de même que les costumes stylisés : ceux des autochtones, aux couleurs caractéristiques, et ceux des conquérants, portant la trace des assimilations successives.

Déjà présents durant le travail de recherche sur le texte, deux musiciens complètent la distribution, offrant une œuvre originale qui s'inspire de la musicalité des pays évoqués. Tandis que le percussionniste Geoffrey Dugas scande une chevauchée chorégraphiée ou l'inscription de la loi mongole dictée à Chigour, le flûtiste Vincent Martial quitte la coulisse pour l'annonce de l'invasion de la Perse, suite à l'humiliation de messagers venus y proposer la paix. Outre les chants gutturaux ou féminins de la bande son, signalons ceux livrés directement par les personnages du Derviche – Sarkaw Gorani –, de Choulane ou d'Akim. La pièce est relativement longue (2h20 sans entracte), et ces fragments musicaux aident à rendre sensible un univers où se mêle le destin des peuples.

LB