Chroniques

par vincent guillemin

Gautier Capuçon et Valéry Gergiev
Concerto pour violoncelle Op.107 n°1

Symphonies Op.54 n°6 et Op.93 n°10
Salle Pleyel, Paris
- 3 décembre 2013
Valery Gergiev joue les Sixième et Dixième symphonies de Chostakovitch à Pleyel
© dr

Troisième programme pour le dernier concert de décembre du cycle Chostakovitch de Valéry Gergiev et l’Orchestre du Théâtre Mariinski, débuté dimanche et prolongé le lendemain [lire notre chronique de la veille], pour se finir en février 2014.

L’exécution de la Symphonie en si mineur Op.54 n°6 confirme les remarques d’hier soir, le Largo initial n’offrant toujours pas la profondeur qu’on pouvait attendre d’une telle œuvre, ce qui prolonge l’impression de distance déjà éprouvée dans la Cinquième. Dans tout le mouvement, dont seule respire la coda, l’orchestre alterne de remarquables instants mettant en valeur de belles couleurs instrumentales (percussions, célesta, flûtes) avec des phases nerveuses (premiers violons) ou rigides (contrebasses). Beaucoup plus dynamique, le second mouvement (Allegro) est lié au troisième (Presto) par le choix d’un tempo rapide quasiment identique et d’un legato très soutenu qui limite la franchise des attaques des cordes, dont les dernières mesures brouillonnes ne masquent pas les signes de fatigue des musiciens.

Interprété par Gautier Capuçon, le Concerto pour violoncelle en mi bémol majeur Op.107 n°1 nous exile loin des contrées russes que ferait entendre un Kniazev, par exemple, et propose une conception fort calculée de la partie soliste, culminant au troisième mouvement (Cadenza) dans une grande liberté d’invention pendant plus de cinq minutes. Les quelques imprécisions s’étant glissées çà et là dans le jeu importent peu, contrairement à celles de l’orchestre et particulièrement des cuivres qui affichent une fatigue de plus en plus marquées. Intelligemment liés à Chostakovitch, les deux bis remettent en valeur le beau Matteo Goffriller de 1701 que le soliste joue d’un archet du XIXème siècle (Dominique Peccatte, 1810-1874).

Après l’entracte, la Symphonie en mi mineur Op.93 n°10 surprend instantanément par une présence sonore plus naturelle et une ferveur nouvelle. Le chef maintient encore la formation pétersbourgeoise mais, à bout de souffle d’enchaîner concert sur concert et sentant approcher la fin d’une série éreintante, celle-ci libère une expressivité jusqu’alors absente. Les hurlements du percussionniste symbolisent l’engagement et l’émotion que les musiciens scellent encore dans le jeu, même si, épuisé, le premier cor rate complètement ces soli de l’Allegretto. Ce troisième mouvement est rendu magnifique par la longue et ultime tenue des cordes. Pris très lentement, l’Andante final permet une construction très intéressante du crescendo médian et fait ressortir un basson toujours précis et la chaleur particulière des violoncelles.

Sans décevoir jamais Valéry Gergiev n’arrive pas plus à convaincre pleinement dans ce cycle qui, à la réécoute [disponible pendant quatre mois sur le site de la Cité de la musique, ainsi que les deux autres concerts], souffrira certainement beaucoup d’avoir été réalisé aussi rapidement avec trop peu de répétitions. Boulimique comme son confrère Daniel Barenboim, Gergiev semble oublier parfois que jouer trois cents soirs par an ne saurait laisser assez de temps à une réflexion fouillée de chaque œuvre abordée. S’il est assurément un surhomme, il entraîne ses musiciens dans des conditions et une forme qui ne peuvent être optimales chaque soir.

VG