Chroniques

par françois cavaillès

Gala Africa Lyric’s Opera
Yanis Benabdallah, Raehann Bryce-Davis, Patrick Dailey, Bonita Hyman, etc.

Sébastien Billard dirige l’Orchestre de la Garde républicaine
Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 23 mars 2024

Ouverture sur les chapeaux de roue, celle de Rouslan et Ludmila (1837-1842), opéra de Mikhaïl Glinka, pour la soirée caritative de l’organisation Africa Lyric’s Opera qui revient bousculer le calendrier du Théâtre des Champs-Élysées, temple de musique française grand ouvert sur le monde dès l’origine, comme le narre son fondateur Gabriel Astruc dans Le pavillon des fantômes (chapitre de Confessions d’un xénophile, parues en 1929). C’est donc un vif plaisir et une véritable nécessité qui font ce soir jouer l’Orchestre de la Garde républicaine et le Chœur de l’Armée française, respectivement dirigés par Sébastien Billard et Aurore Tillac, accompagnant neuf étoiles lyriques.

Au sein d’un programme riche en extraits d’ouvrages classiques, puis en fusion afro-américaine, il y eut autant d’ivraie que de bon grain. Le contreténor Patrick Dailey (originaire du Tennessee) apporte fraîcheur, legato et vibrato à Vedro con mio diletto de Vivaldi (Il Giustino, 1724) et une certaine virtuosité dans les vocalises de Se bramate d’Händel (Serse, 1738). Le duo Mira o Norma, puisé dans Norma (1831) de Vincenzo Bellini, stupéfait grâce à la riche sonorité du mezzo new-yorkais Bonita Hyman et la délicatesse du soprano sud-africain Masabane Cécilia Rangwanasha, majestueuse aussi plus tard dans le spiritual He’s got the whole world in his hands (1927). Vêtu de la robe peut-être la plus impressionnante (large, rouge, à armatures), le mezzo Raehann Bryce-Davis rugit, superbe [lire nos chroniques de La forza del destino et d’Il trittico], dans un O, don fatal de Verdi (Don Carlos, 1867), bien avant un impeccable I am easily assimilated plein de cran, tiré de Candide (1856), l’opérette de Bernstein. Le lyrisme français trouve dans la Chanson de Kleinzach, issue des Contes d’Hoffmann (1881) d’Offenbach, un vaillant ténor en Yanis Benabdallah qui bénéficie ensuite, au fameux duo valsé Libiamo de de Verdi (La Traviata, 1853), de la collaboration du soprano enflammé de Mariam Battistelli [lire nos chroniques de Parsifal, Arianna a Nasso et Dido and Æneas]. La magie d’Offenbach opère encore dans le trio Antonia, nerveux et féérique, offert par Battistelli et Bryce-Davis avec le baryton Christian Rodrigue Moungoungou, par ailleurs très à l’aise dans un fantastique petit triptyque Gershwin (airs de Porgy and Bess, 1927). Aventurière, aussi, la basse François-Germain Manwell chante joliment le Mississipi d’un timbre doux et ambré – Ol’ Man River de Jerome Kern, dans la comédie musicale Show Boat (1927).

Au rayon des grandes surprises figurent une touche moderne avec le Scherzo rythmique d’Alcee Chriss III en forme de boléro, les reprises magiques du tube pop Africa (Toto, 1982) aux mille percussions et sans timidité dans le chant, et le chant traditionnel sénégalais Tajabone d’Ismaël Lo, arrangé pour orchestre par Cyrille Lehn, sans oublier l’avant-goût de l’opéra en fon et en yoruba, Amazones du Dahomey que produit Africa Lyric’s Opera, porté par le chant embrasé et mélodieux en réalité du soprano Elisabeth Moussous [lire notre chronique d’Owen Wingrave], artiste camerounaise comme le compositeur, Jules Teukam. Tous en scène, pour finir, avec O Fortuna de la cantate scénique Carmina Burana (1935-1936) de Carl Orff, en un grand final incantatoire !

FC