Chroniques

par bertrand bolognesi

Gabriel Fauré | Pénélope
Fayçal Karoui dirige l’Orchestre Lamoureux

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 20 juin 2013
Pénélope de Fauré par Fayçal Karoui au Théâtre des Champs-Élysées (Paris)
© paul kolnik

Discrètement créé à Monte Carlo en mars 1913, le poème lyrique en trois actes composé par Gabriel Fauré de 1907 à 1912 fit ses premiers pas à Paris ici-même, avenue Montaigne, quelques semaines plus tard : rien de plus naturel qu’à fêter le centenaire de sa naissance l’établissement remette Pénélope à l’affiche, comme il le fit du Sacre du printemps [lire notre chronique du 30 mai 2013]. Peut-être aurait-on pu imaginer de donner l’ouvrage sur scène, pour quelques soirs ; à défaut, une version de concert demeure mieux que rien.

C’est d’abord l’inégalité de la distribution vocale qui surprend. Trop souvent nasalisé, l’Antinoüs de Julien Behr est piquant, parfois crispé, pendant toute la première partie de la soirée. On lui sait gré d’assouplir enfin son chant jusqu’à produire des aigus d’une infinie douceur lorsqu’il s’agit d’avérer le sentiment porté à la reine. Volontiers salué par nos pages, Edwin Crossley-Mercer ne se montre guère au mieux de ses possibilités, ce soir. Son Eurymaque débute dans les brumes pour finalement bondir de façon heurtée et monolithique, sans autre désir de nuancer l’expression. En revanche, le jeune Jérémy Duffau affirme un ténor léger de saine composition dans le rôle de Léodès. Quant à celui de Ctésippe, il est avantageusement campé par Marc Labonnette dont le timbre ferme et la couleur franche conjuguent en sus une diction exemplaire. Enfin, si l’Ulysse de Roberto Alagna possède vaillance et lumière, on regrette, dans une prestation qui reste d’honorable tenue, une émission systématiquement attaquée par le dessous et un aigu parfois brutalisé.

Les femmes s’en sortent nettement mieux. D’abord prudente, Khatouna Gadelia s’impose peu à peu en Mélantho de belle facture, avec un chant contrôlé et un timbre attachant. Le mezzo sombre de Sophie Pondjiclis avantage Cléone d’une prosodie souverainement ténue. Par-delà un français malaisé, l’Euryclée de Marina de Liso creuse généreusement le grave et dessine une ligne efficacement menée.

Une nouvelle fois, Anna Caterina Antonacci triomphe dans le grand format dramatique français du rôle-titre, à l’instar de ses Cassandre [lire notre critique du DVD], Médée [lire notre chronique du 22 mai 2005] ou Marguerite [lire notre chronique du 27 novembre 2007]. Fulgurante dans la hargne jalouse qui tisse le linceul de Laerte, suave et secrète dans sa discrétion à éconduire les prétendants, elle conduit un riche éventail dynamique, au fil d’un texte savamment transmis, jusqu’à la plénitude dans l’exultation des retrouvailles.

À la tête de l’Orchestre Lamoureux (dont il en est le « patron » depuis près de deux ans) et de son Chœur, Fayçal Karoui s’attache plus au « dramatisme » de péplum qu’à l’écriture parfois audacieuse de Fauré. Sa Pénélope sonne résolument le siècle précédent, avec une grandiloquence qui s’épuise vite.

BB