Chroniques

par jérémie szpirglas

Fidelio
opéra de Ludwig van Beethoven

Opéra de Tours
- 19 octobre 2010

On le sait peu, mais Fidelio, unique opéra de Beethoven, est inspiré de faits réels. Le modèle de Léonore s’appelait Blanche dont les aventures eurent lieu non en Espagne mais à Tours, pendant la Terreur – elle était comtesse de Semblançay, petite commune du nord de la Touraine. D’après Marion Wasserman, chargée de la mise en scène de cette nouvelle coproduction, Beethoven en a toutefois changé le dénouement, dans un élan d’optimisme. Selon elle, il semblerait en effet que Blanche, au contraire de Léonore, ait péri, ainsi que son mari – le modèle du bienveillant Don Fernando qui vient, en Deus ex Machina, rétablir la justice, étant en réalité un envoyé politique de Robespierre.

Revenant sur les lieux du crime, Marion Wasserman prend le parti de remettre l’action dans son contexte d’inspiration originel et de lui redonner au passage sa conclusion historique. Si le premier choix peut se justifier – en offrant par ailleurs une mise en abyme et en question du discours beethovenien, si proche des idéaux de la première République, et en le confrontant à ses propres dérives –, le second tombe à plat et paraît même complètement invraisemblable. Marion Wasserman ne va pas jusqu’au bout de ses idées. Retenue par un trop grand respect de l’œuvre, ou n’y voyant peut-être pas l’intérêt, elle a oublié d’adapter le livret à sa vision de l’intrigue.

Ainsi, après être descendue dans la cellule de Florestan (figurée, avec un grand sens de l’économie, par un carré de terre battue au centre de la scène, entouré de murs d’obscurité) et après s’être révélée sous sa véritable identité, Léonore sera lâchement assassinée par Don Pizzaro. Toutefois, et bien qu’ayant agonisé sous nos yeux pour le moins surpris, la voilà qui se relève pour la conclusion solaire de l’œuvre – Wasserman suggérant péniblement que Léonore ne se joint au chœur et à l’allégresse finale que d’en haut où elle est parmi les anges.

Cette conclusion tirée par les cheveux apparaît d’autant plus douteuse qu’elle est servie par un jeu d’acteur hésitant et mal dirigé – les gestes et déplacements paraissent forcés ou détachés de la narration –, et ce malgré la belle mise en lumière de Pierre Dupouey qui se joue de l’espace en découpant le plateau de silhouettes de lumière.

Ce final bancal vient clore un spectacle en demi-teinte. Si l’Ouverture promettait une saine énergie et des nuances audacieuses dans la fosse, l’orchestre tout comme les chanteurs ne seront que l’ombre d’eux-mêmes dans le premier acte : la direction de Jean-Yves Ossonce y sera inhabituellement molle – lui qui pourtant se distingue plus souvent par son charisme et sa force –, les chanteurs se trouveront trop souvent à bout de souffle, incapables d’aller chercher certaines notes. Seul Scott Wilde (Rocco) parvient à s’imposer.

La première réaction, qui serait de mettre ces insuffisances sur le compte des grèves à répétition de ce mois, laisse place à une explication plus vraisemblable : un mauvais virus circule parmi l’équipe de l’opéra. En effet, on annonce que Jean-Francis Monvoisin (Florestan) est souffrant ; il chante mais ne garantit pas d’être au niveau. Pourtant, le second acte est paradoxalement bien meilleur que le premier. L’orchestre reprend du poil de la bête, de même que Mireille Delunsch (Leonore) et Peter Sidhom (Pizzaro). Et la fin est une vraie partie de plaisir (musicalement).

JS