Chroniques

par laurent bergnach

Falstaff
opéra de Giuseppe Verdi

Opéra Éclaté / Théâtre de Montrouge
- 10 mars 2006
Olivier Desbordes met en scène Falstaff (Verdi), reprit au Théâtre de Montrouge
© opéra éclaté

Structure conçue pour faire connaître les productions du Festival de Saint-Céré, chapeautée depuis ses débuts par le metteur en scène Olivier Desbordes, Opéra Éclaté fête ses vingt ans d'existence cette saison-ci. Tout d'abord sagement limitée en Midi-Pyrénées, l'équipe artistique a ensuite touché un public de plus en plus nombreux, de plus en plus éloigné sur d’autres régions, remplissant ainsi sa mission : diffuser des spectacles de formes variables permettant (comme le font par ailleurs l'Arcal, l'ensemble Justiniana et la Péniche Opéra, le plus souvent hors du circuit des salles à abonnement) d'ouvrir à tout un chacun le répertoire de l'opéra. Entre une soirée à Quimper et une autre à Dreux, le passage d'Opéra Éclaté par Montrouge est l'occasion de découvrir son dernier spectacle dans un théâtre aux fauteuils hors d'âge, qui rappelle les salles des fêtes de notre enfance. Sur scène, des tables accolées servent de lieu de ripailles autant que de tréteaux où nos solistes, habillés avec soin par Patrice Gouron, iront planter épouvantail, branchages ou cordes à linges. Très vite, malheureusement, on comprend que les grivoiseries récurrentes sont les seules pistes envisagées par une production peu inspirée.

Dernier opéra de Verdi, Falstaff fut représenté pour la première fois à Milan le 9 février 1893. Le livret d'Arrigo Boito s'inspire de deux pièces de Shakespeare : The Merry Wives of Windsor et Henry IV. Si cette farce fut écrite, semble-t-il, sans intention de la faire jouer, Desbordes rappelle l'attachement qu'y témoigna son auteur, puisque différentes versions orchestrales en ont été composées, « pour pouvoir s'adapter aux lieux qu'il rencontrait, jouer à tout prix, in extremis... ». Ce qui explique la version française de Boito fréquentée ce soir, ainsi que cette partition révisée pour l'Opéra Comique en avril 1894 et dirigée alors par le maestro lui-même. À la tête des vingt-cinq musiciens de l'Orchestre Opéra Éclaté, Dominique Trottein livre une belle prestation, toute en clarté, relief et nuance.

En revanche, que de déception avec ces chanteurs aux capacités si hétérogènes ! Chez les dames, les plus jeunes ont un timbre aigrelet, un chant acide aux aigus tendus qui font souvent perdre le fil de leurs propos. Même soucis d'intelligibilité avec Béatrice Burley (Mme Quickly), pourvue d'une voix large mais au placement chaotique. On exceptera Brigitte Antonelli (Alice Ford) pour son chant souple et l'efficacité de ses mimiques ; à sa décharge, rappelons qu'Opéra Éclaté a aussi un rôle de formateur qui permet à de jeunes chanteurs d'aborder l'expérience de la scène. Chez les hommes, retenons la scène de jalousie de Jean-Baptiste Dumora (Ford) au troisième tableau, le jeu et la projection efficaces de Jean-Claude Saragosse (Pistolet) au timbre sombre, enfin le chant délicat et touchant de Stéphane Malbec-Garcia, Fenton au lyrisme plein et souplement mené.

Hélas ! une distribution alternée du rôle-titre fait regretter Franck Leguérinel à la faveur livrant de Christophe Lacassagne, baryton certes puissant et à la diction soignée, mais trop souvent en force, avec un perpétuel masque de bougon – d'où cette minute miraculeuse où, se souvenant de son enfance de page, l'artiste surprend par la légèreté qu'il sait enfin trouver.

LB