Chroniques

par irma foletti

Esa-Pekka Salonen | Concerto pour violoncelle et orchestre
Truls Mørk, Philharmonia Orchestra, Esa-Pekka Salonen

Aallottaret Op.73 de Sibelius – L’oiseau de feu de Stravinsky
Festival d’Aix-en-Provence / Grand Théâtre de Provence
- 10 juillet 2019
Première française du Concerto pour violoncelle de Salonen, à Aix-en-Provence
© dr

Entre deux représentations d’Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny de Kurt Weill [lire notre chronique de la veille], Esa-Pekka Salonen revient dans ce même Grand Théâtre de Provence pour un programme Sibelius et Stravinsky, ainsi que la création française de son propre Concerto pour violoncelle. En ouverture de programme, le poème symphonique Aallottaret Op.73 (Les Océanides, 1914) de Jean Sibelius présente un Philharmonia Orchestra impeccablement préparé, réceptif et réactif à la moindre intention du chef finlandais. À la sérénité initiale des douces cordes mêlées à la flûte succède comme une menace de tempête, puis un grand crescendo des cuivres et des percussions, avant une fin plus tranquille, l’élément liquide étant perceptible à tout moment.

Vient ensuite la création en France du Concerto pour violoncelle et orchestre composé par Salonen en 2016. Les premiers accords font entendre un tissu orchestral très riche – cordes, cuivres et xylophones fort sollicités –, le soliste Truls Mørk jouant d’abord la même partition que celle du pupitre de violoncelles, puis la sienne propre, avec expressivité et virtuosité. De petits dialogues s’établissent entre le soliste et le tutti, sur de brefs motifs répétés, l’écriture étant plus généreusement développée pour les bois et xylophones. La musique est alors facile d’accès, ni dissonante ni agressive, jolie mais loin d’être révolutionnaire ni bouleversante. Les deuxième et troisième mouvements, donnés avec enchaînement, sont plus originaux et accrochent davantage l’oreille. En particulier le long passage au violoncelle seul dont certaines séquences sont enregistrées et diffusées à l’envi par des haut-parleurs, cette conception sonore étant assurée par Ella Wahlström. Il s’agit parfois d’un quasi silence de l’instrument, accompagné par un soupçon de flûte, ou bien encore de glissandi d’abord discrets, repris en boucle et plus fortement dans les baffles, pouvant évoquer un vol d’oiseaux, un feu d’artifice ou une pluie de météorites. Pour le troisième et dernier mouvement, le percussionniste aux congas et bongos vient se placer en avant-scène d’où il échange avec l’instrument soliste. Le rythme s’emballe par instants vers une ambiance sud-américaine, puis revient vers une conception plus traditionnelle. Truls Mørk affronte alors, en compagnie de l’orchestre, une partie fleurie, très virtuose et rapide, avant que s’éteignent les ultimes notes.

Après l’entracte, c’est au tour de L’oiseau de feu d’Igor Stravinsky, compositeur que Salonen a déjà servi au Festival d’Aix-en-Provence en 2016 avec Œdipus Rex et la Symphonie de psaumes. Il impressionne par sa maîtrise des nuances et des volumes, entre le minuscule son de l’entame et ses mélodies évanescentes aux bois, puis plus tard les tutti extrêmement vigoureux. La formation londonienne fait preuve d’une extrême cohésion dans cette partition espiègle et souvent piégeuse pour ce qui concerne le rythme. La gestique du chef dégage une grande force et paraît transmettre toute son énergie à l’orchestre, aboutissant à un final inouï d’explosivité.

La standing ovation amène deux bis : pour rester dans l’ambiance de Kurt Weill, d’abord, un extrait du Dreigroschenoper, rarement interprété avec une telle richesse symphonique, puis c’est à Maurice Ravel de conclure, avec la dernière partie de Ma mère l’Oye, un Jardin féérique qui amène une touche finale de calme et de beauté.

IF