Chroniques

par laurent bergnach

Ernest Martinez Izquierdo dirige Avanti!
création française d’Émilie Suite de Kaija Saariaho

Cité de la musique, Paris
- 23 avril 2013
la compositrice Lotta Wennäkoski jouée lors du cycle Kaija Saarihao à Paris
© dr

Partagé entre plaisir de retrouver l’excellent Orchestre de chambre Avanti! (trentenaire cette année), perplexité et déception, nous assistons au dernier concert du Domaine privé consacré à Kaija Saariaho – à la première partie duquel il est d’ailleurs demandé au public de ne pas applaudir entre les œuvres ; cela peut se concevoir, puisque deux des pièces les plus importantes y sont encadrées de courtes mélodies de Jean Sibelius (1865-1957) : Flickan kom ifran sin älsklings möte Op.37 (La jeune fille revint du rendez-vous de son amoureux, 1901), Säv säv susa Op.3 (Roseau, roseaux, soupirez, 1900) et Norden Op.90 (Nord, 1917), les première et dernière inspirées par Ludwig Runeberg, la deuxième par Gustav Fröding, tous deux poètes suédois.

C’est le soprano Barbara Hannigan, accompagné du pianiste Jouko Laivuori, qui se charge d’évoquer des histoires de jeunes filles trahies par leur amoureux ou poussées au suicide par la jalousie populaire. La voix apparaît tout d’abord présente et bien timbrée, mais une vulgarité de musical apparaît bientôt, à laquelle s’ajoute un certain pathos. Ce serait un moindre mal si le chant métallique ne s’accompagnait d’attaques faibles et de notes qui déshonorent la partition. L’an passé, dans ces mêmes mélodies, Soile Isokoski avait autrement ému, avec un récital regroupant aussi quelques compositeurs finlandais [lire notre chronique du 9 février 2012].

« Composition lyrique » conçue en 1963 par Paavo Heininen (né en 1938), puis révisée quatre ans plus tard, Musique d’été apparaît « construite comme un collier de perles mettant bout à bout une suite de respirations distinctes, une cristallisation de champs magnétiques séparés par des point d’orgue et des silences » (dixit Lauri Otonkoski dans la brochure de salle). C’est une œuvre difficile à cerner, mais nous en retiendrons le violon douloureux du Prologue saupoudré de percussions – qui invite quelques rapides soli de clavecin et violoncelle –, ainsi que les pépiements d’une clarinette qui parcourent Moments dramatiques et Épilogue.

Si Saariaho eut Heininen comme professeur intransigeant, à l'Académie Sibelius d’Helsinki, elle-même compte des élèves parmi lesquels Lotta Wennäkoski (née en 1970) [photo]. Kuule II (impératif d’« entendre » en finnois) est une pièce de 2005 prévue pour un quintette à cordes auquel s’ajoutent flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et clarinette-basse soliste. Les vibrations de cette dernière, tenue par Heikli Nikula, retentissent d’abord avec des cordes qui passent du frémissement au bourdonnement. L’œuvre se fait alors plus lyrique, sonore et affirmée, avant un regain de douceur qui évoque quelques vagues debussystes menant à la plainte d’une contrebasse – un lyrisme déjà noté dans le quatuor Culla d’aria [lire notre chronique du 10 avril 2011].

Enfin, Émilie Suite nous attend après l’entracte. Présentée à New York le 30 novembre 2011, l’œuvre est une transposition du monodrame créé à Lyon par Karita Mattila [lire notre chronique du 7 mars 2010]. L’argument est séduisant (alors qu’elle s’apprête à accoucher, une intellectuelle du XVIIe siècle confie par courrier à son amant poète ses réflexions et pressentiments), Ernest Martinez Izquierdo sert au mieux la musique (toujours entre tension et onctuosité, chatoiement et acidité), mais il faut malheureusement retrouver Barbara Hannigan, décidément peu en forme ce soir, ni vocalement ni en ce qui concerne la diction, confidentielle ou pâteuse. Une triste façon de clore cette semaine passée avec la créatrice de Mirage [lire notre chronique du 18 avril 2013]…

LB