Chroniques

par bertrand bolognesi

Ensemble Orchestral de Paris
vingt-cinquième anniversaire

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 18 novembre 2003
le chef d'orchestre John nelson par David Zaugh
© david zaugh

Depuis 1978, l’Ensemble Orchestral de Paris offre une programmation riche, associant à ses activités des artistes de renom, tout en variant les plaisirs. Fondée par Marcel Landowski, dirigée par Jean-Pierre Wallez, Armin Jordan, puis Jean-Jacques Kantorow, la formation parisienne fut confiée il y a cinq années à l’énergique baguette de John Nelson [photo] qui dirige avenue Montaigne ce concert festif convoquant quelques talents.

Cette année, l’EOP fit commande à plusieurs compositeurs de courtes pièces, les Intrada, qui seront données tout au long de la saison en ouverture de chaque concert. Au XVIe siècle, on écrivait des morceaux majestueux, parfois solennels, appelés Intrada, destinés à donner le départ d’une cérémonie, d’une grande réunion, d’une célébration ou d’une fête. Peu à peu le procédé s’étendra au ballet, à l’oratorio et même au théâtre parlé, prêtant sa pompe à ce qui s’appellerait ensuite Ouverture.On les retrouve dans les Suites pour orchestre, souvent extraites des musiques pour le ballet, en Allemagne surtout. C’est dans la période classique que sa forme se définit plus strictement : une courte introduction sur un mouvement de marche, suivie d’une deuxième période enchaînée, sur une métrique différente ou non, de courte durée. Est créée ce soir l’Intrada de Nicolas Bacri dans laquelle se laissent entendre les procédés de Prokofiev, Britten, Copland et Barber, avec un final à la Chostakovitch ; bref, un à la manière de... sans grand intérêt.

Nous écoutons ensuite la facétieuse Symphonie Hob.I/86 composée en 1786 par Joseph Haydn, dans une interprétation plutôt enlevée. Si le premier mouvement prend systématiquement appui sur les cordes graves, au risque d’une certaine lourdeur, le second est nettement plus équilibré et le troisième développe une élégance pleine d’esprit et de délicatesse ; une superbe unité de sonorité caractérise le trio central. Enfin, le Finale bénéficie d’échanges soignés, d’une lecture travaillée autant dans le détail que dans le souffle d’ensemble. Cette exécution prouve une nouvelle fois l’affinité entre John Nelson et cette musique.

Après deux œuvres propres à présenter la personnalité de l’EOP, quelques artistes lui souhaitent un bon anniversaire à leur manière. Ainsi le violoniste sibérien Victor Tretiakov et l’altiste ukrainien Yuri Bashmet donnent-ils une Symphonie concertante K.364 à tomber à genoux. On connaît la virtuosité de Tretiakov, belle leçon d’agilité et d’homogénéité sonore, mais c’est surtout la prestation de Bashmet qui emporte l’enthousiasme. Pas une phrase, pas une note, pas un silence qui n’ait été pensé, pesé, pour une lecture d’une musicalité saisissante. Si les premiers et troisième mouvements sont utiles comme un après-midi à prendre le thé en disant du mal de la voisine (ah, ces pages mozartiennes…), l’Andantino central est somptueusement nécessaire, et c’est sans doute par des pages comme celle-ci que Mozart fut un grand des plus grands (elles sont rares, pourtant).

Michel Dalberto rejoint ensuite les musiciens de l’EOP pour interpréter sans blabla le Concerto en sol majeur de Ravel. Certaines maladresses de justesse des cordes gênent l’exécution. Si le soliste accuse quelques loupés sur le début, il livre un travail nuancé, musical, avec un second mouvement sans emphase, dans une fort belle sonorité.

Enfin, nous retrouvons Felicity Lott pour un mini récital d’airs extraits de La Grande Duchesse de Gerolstein d’Offenbach et de L’amour masqué d’André Messagerqu’elle offre avec beaucoup de chien. Mais avant tout, c’est par une Dame de Monte-Carlo à glacer le cœur qu’elle brille, servie d’un chant à l’expressivité bouleversante, faisant de ce monologue un vrai moment de théâtre.

BB