Chroniques

par laurent bergnach

ensemble 2e2m
Adàmek, Cendo et Lazkano

Conservatoire à rayonnement régional, Paris
- 13 janvier 2011
résidence Ramon Lazkano à l'ensemble 2e2m
© olivier roller

Dans le sillage du ciné-concert Aelita [lire notre chronique du 8 octobre 2010] et de la tragédie barbare Cachafaz [lire notre chronique du 13 décembre 2010], l’Ensemble 2e2m propose de retrouver trois autres compositeurs maintenant bien connus de cette génération née, peu ou prou, avec la création de l’Ircam. Leur benjamin, le Tchèque Ondrej Adàmek (né en 1979), s’attache à combiner des éléments issus d’autres cultures. Dans Sinuous Voices (2009) en particulier, où il transpose la voix humaine vers un ensemble instrumental, le créateur s’inspire d’une prière collective de son pays réécrite pour les cordes et d’une berceuse de Nouvelle-Calédonie – laquelle « constitue un monde intérieur […] entrecoupé par un flot de rythmes obsessionnels, de sons mécanisés, de forces écrasante » – à destination des vents. Tuyaux dans la main de ces derniers, trompette bouchée ou blanche, boule de papier froissé glissant sur les graves de la harpe participent à rendre l’intimité des modèles de façon originale.

Concevoir le son « ainsi qu’un bloc de marbre qu’on cisèle, qu’on griffe, érafle, martèle, fait éclater jusqu’à trouver une surface qui convienne », tel est l’objectif de Ramon Lazkano (né en 1968), loin de toute narration. Résident de l’ensemble conduit par Pierre Roullier, l’élève de Bancquart et Grisey travaille depuis 2001 sur Igelstoen Laborategia (Le Laboratoire des Craies), un cycle évoquant strates et érosion dont sont extraites trois pièces conçues entre 2006 et 2009, qui empruntent leur nom au verbe basque « voler ». « Surface sonore aux volumes aériens », Egan-1 affiche une grande légèreté par le jeu de cymbales tapotées, de clarinette et cor effleurés. D’emblée plus remuant et épais du fait d’inviter accordéon et piano, Egan-3 offre une grande variété percussive – maracas, tambourin, guitare couchée, ainsi que papier de verre et ressort ­­–, déjà signalée lors de la création dijonnaise [lire notre chronique du 24 novembre 2007]. Egan-2 semble le chemin parcouru de l’un à l’autre.

Tandis qu’Egan-4 sera créé ici même le 19 mai 2011, la seconde partie de soirée propose un hommage peu ordinaire aux racines du compositeur. En effet, Jean-Claude Enrique et Txomin Dhers font découvrir une pratique musicale qui se mourait, autour de la txalaparta. Ni balafon ni marimba, cet instrument lié à des célébrations ancestrales se compose de quatre planches de bois à l’horizontale sur lesquelles on frappe à l’aide de tronçons de bois tenus verticalement (genre manche à balai coupé en trois) et improvise à l'aide d'un canevas. Selon la vitesse et la force adoptée, les fréquents changements de rythmes prennent parfois les colorations métalliques d’un steel drum.

Autre cycle au programme, celui « des Actions » signé Raphaël Cendo (né en 1975). Construite autour de l’idée de saturation (timbre, fréquence, événement) comme tant d’autres de ses pièces, cette nouvelle version d’Action Painting (2004) confronte l’auditeur à une énergie parfois violente : violoncelle et contrebasse jouées à pleine main, trombones et trompettes au pavillon recouvert de papier aluminium, gongs frappés sans ménagement, vents pourvus de cymbales, etc. Si la pièce ne hurle pas en permanence, elle continue de grincer et couiner même dans les passages pianissimi. Point final de cette partition, une déflagration d’arme à feu bouscule une ultime fois nos globules.

LB