Chroniques

par gérard corneloup

Der Rosenkavalier | Le chevalier à la rose
opéra de Richard Strauss

Grand Théâtre, Genève
- 12 avril 2012
Der Rosenkavalier, opéra de Richard Strauss au Grand Théâtre de Genève
© gtg | vincent lepresle

C’est à coup sûr un spectacle que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître ! Et pour cause : il date de 1972. D’autant plus qu’à son époque déjà cette mise en scène « datait », volontairement. Non sans humour, le metteur en scène du moment, Otto Schenk, avait décidé, osé même, dans la digne Bavière d’alors, de refaire l’une de ces mises en place coloriées, maquillées, encombrées, tapissées, bref étouffantes, comme les aimait le public d’opéra un demi-siècle auparavant. Son décorateur Jürgen Rose en rajoutait une couche. Puis le temps a passé ; les esthétiques ont évolué et la musique a gagné de la place, de la personnalité, de la considération face à l’élément purement scénique – ouf !

Le Grand Théâtre de Genève a eu, toutefois, la singulière idée d’exhumer ce fossile musico-dramatique, qui renvoie le spectateur quasiment un bon siècle en arrière. Certains y verront un regard pertinent sur les conventions scéniques d’hier, voire d’avant-hier. D’autres ne comprendront pas une telle démarche. D’autres enfin, parleront d’un spectacle kitch… Bref, chacun peut choisir. Du moins cela dispense-t-il de parler de l’habituelle composante dramaturgique d’une production lyrique, de ses qualités – ici, il y en a peu – et de ses originalités – il n’y en a pas. Il suffira de préciser qu’il ne manque pas un bouton de guêtre, pas une girandole de lustrerie, pas une assiette parmi l’avalanche exposée dans les vitrines hautes de sieur Faninal – ce ne sont que décorations, dorures, tentures, perruques poudrées et grande robes apprêtées – et d’avoir une pensée pour le travail demandé à l’équipe technique tout au long des (justement longs) deux entractes.

Arrivons donc promptement au domaine musical d’une œuvre non dénuée de beautés et d’intérêt, peut-être point trop ramassée en ses dialogues, mais offrant, avec le personnage central de la Maréchale, celui d’une femme de condition qui voit, néanmoins comme une simple plébéienne, passer le temps, son charme un rien s’affaisser face à un fringuant et jeune chevalier…. et à la concurrence d’une jeune beauté. Or, à Genève, ce rôle est remarquablement joué et chanté par Soile Isokoski. Les qualités vocales, les tenues de notes, l’art du naturel comme la sensualité de la musicalité le disputent à de réels talents de comédienne.

On peut en dire autant du Baron Ochs d’Alfred Reiter. Le chant, solide, charpenté, expressif, n’est jamais pris en défaut et les qualités dramatiques évitent l’habituel barbon vulgaire, ridicule et trompé. On peut ranger sur la même (haute) étagère la majeure partie de la distribution, à commencer par l’Annina vocalement somptueuse de Doris Lamprecht. On peine à y ranger l’Octavien d’Alice Coote, personnage « mixte » toujours difficile à interpréter, mais au chant tout de même un peu hétérogène d’un registre à l’autre. On ne peut vraiment pas y ranger la Sophie de Kerstin Avemo, tant les passages de registres sont indiscrets, l’aigu durci, le charme vocal à dose homéopathique.

À la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande et des chœurs maison, excellents, Niska Bareza réussit plutôt bien à homogénéiser les diverses composantes, tant sur scène que dans la fosse. Sa direction est attentive, soigneuse, mais manque tout de même un peu de lyrisme et de sensualité pour ce qui, aussi, est une histoire d’amour.

GC