Chroniques

par samuel moreau

Der Rosenkavalier | Le chevalier à la rose
opéra de Richard Strauss

Salzburger Festspiele / Felsenreitschule, Salzburg
- 6 août 2004
Der Rosenkavalier de Strauss : Angelika Kirchschlager et Miah Persson
© dr

Le chevalier à la Rose de Richard Strauss, écrit sur un livret d’Hugo von Hofmannsthal, fut créé à Dresde le 26 janvier 1911. Il bénéficie d'une grande popularité en Allemagne, depuis bientôt cent ans. Pour reprendre les mots de la Maréchale, on pourrait le sous-titrer mascarade à la Viennoise ; c'est brillant, féerique, valsant... et il semble que pour un temps, le compositeur délaisse cette modernité agressive qu'on lui reprochait dans Salomé ou Electre, pour s'adonner à une nostalgique évocation de la Vienne de l'impératrice Marie-Thérèse. Mais il faut écarter les plumes de la fête, regarder derrière le corset des conventions sociales. Bref, sous ses airs d'opérette, ses couleurs de vaudeville, le chef d'œuvre livre une nouvelle fois un personnage de femme inoubliable (Arabella, Ariane, Hélène, etc.), cerne les hypocrisies d'une société patriarcale d'avant-guerre et qui va du rire aux larmes – et inversement – en l'espace d'un acte.

Ainsi, dans le premier, la Maréchale s'ébat dans une chambre immense tendue de rouge, cernée d'antichambres et de vestibules qui finissent par laisser pénétrer le monde extérieur, ennemi de l'amour... Le mariage de son rustre cousin avec une jeune fille lui rappelle le sien et la tristesse qu’il engendre. Elle décide de renoncer à Octavian, son amant de dix-sept ans. Dans le second, c'est Sophie, la fille du marchand de canon Faninal, qui déchante en voyant se comporter l'affreux baron Ochs, puis est menacée du couvent par son père si elle s'oppose à cette union. L'immense table de banquet, la somme des domestiques, des couturières, ajoute à la pression sociale qu'endure depuis toujours et plus que jamais la jeune fille, tombée amoureuse d’Octavian. Au troisième et dernier acte, Octavian, déguisé en soubrette de la Maréchale, accorde un rendez-vous galant au baron et s'arrange pour le décrédibiliser aux yeux de Faninal qui renonce alors à lui livrer sa fille. Avec la bénédiction de l’ainée, les deux tourtereaux peuvent s'aimer en toute quiétude, même si se profilent au baisser de rideau les visions des futurs champs de bataille de 1914.

Cette nouvelle production salzbourgeoise offre un quatuor vocal de premier choix : Adrianne Pieczonka – Maréchale à la sagesse bouleversante –, Franz Hawlata – baron Ochs, finalement sympathique car plus immature que méchant –, Angelika Kirchschlager (Octavian) et Miah Persson (Sophie) sont excellents théâtralement et vocalement ; les deux derniers, en particulier, livrent plusieurs duos enchanteurs tout au long de l'œuvre. Gageons que le jeune soprano suédois aux aigus délicats et au jeu exempt de minauderie, saura nous enchanter dans de futurs rôles mozartiens. Citons l'excellent commissaire de police campé d’un timbre altier par Florian Boesch.

Semyon Bychkov dirige les Wiener Philharmoniker, parfois un peu plan-plan sous sa baguette indécise, mais irréprochables. Enfin, félicitons l'enchanteur Robert Carsen pour sa direction d'acteur approfondie, ses beaux mouvements d'ensemble (plus d'une centaine de figurants), ses moments de drôlerie (un psy au chevet du baron blessé) et de poésie (l'arrivée de la rose, sur un véritable cheval au trot).

SM