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Chroniques
Das Rheingold | L’or du Rhin
opéra de Richard Wagner
Tout juste promu british exit, Londres n’en affiche pas moins son Ring, vaste ouvrage tétralogique dont nul n’ignore qu’il y s’agit de gros sous et de morale ! Tandis qu’une majorité soudainement repentante a tout juste défilé dans la capitale britannique, que s’est joyeusement esquivé le leader à succès après avoir brandi l’épouvantail de la misère et manipulé la frousse insulaire de l’invasion, Opera North poursuit la programmation prévue, quel que puisse être le verdict allemand de sauce hollandaise qui pourrait bien tomber sur le séparatisme ambiant.
N’en déplaise à ladite insularité craintive, c’est d’outre-Rhin que lui vient cette légende musicale où il est question de Rhin, précisément, et d’or, quand les actuelles frontières de l’Europe semblent sujettes à ce qu’on les dessine dans un autre lit : celui du Danube, à l’occasion duquel Hongrie et Autriche trouvent à s’entendre contre un sud-est estimé trop intrusif. Par conséquent, tout invite à espérer qu’un metteur en scène sensible, observateur et inventif convoque les barbelés dans une prochaine production où l’illustration du Nibelheim suscitera des interprétations hautement polémiques – attendons, donc…
Pour le moment, Peter Mumford, qui, assisté par Joe Austin, signe tout le concept – décors, costumes, lumière, vidéo et mise en scène, dans un espace qui n’est pas une scène d’opéra, rappelons-le –, s’ingénie à ne pas perdre l’attention du public auquel, depuis les premiers flots aquatiques, il tient la main aussi prudemment que fermement. Si certains confrères pointèrent que McVicar racontât Wagner aux enfants, lors de son essai strasbourgeois d’il y a quelques années [lire nos chroniques du 14 février 2007 et du 2 mai 2008], comment qualifieront-ils le naïf accompagnement préalable de Mumford ? Quant à moi, c’est la poignante déchirure du monde que, par-dessus tout, je retiendrai de sa proposition, plongée dans le gouffre d’un ordre ancien que le rapt du précieux métal a brisé. Dès le prologue, l’apparition de cette faille entraine irrésistiblement l’imaginaire vers la déduction de trois journées particulièrement noires, n’en doutons pas.
C’est dans le grand métier de la plupart des chanteurs qu’on rencontre l’élément théâtral. Pour la pure musique, applaudissons trois artistes au grand mérite : le baryton Andrew Foster-Williams, Donner au style merveilleux, Giselle Allen, tendre et bouleversante Freia, et l’onctueuse Erda de Ceri Williams. On n’en dira pas autant du Froh pâlichon de Marc Le Brocq ni du Fasolt assez terne de James Creswell. Les autres incarnations brûlent les planches : Fafner somptueux, envahissant même, de Mats Almgren, Mime efficace de Richard Roberts et surtout Loge idéalement facétieux et bien chantant de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, valeur sûre dans ce rôle. Enfin, Jo Pohlheim emporte les suffrages, avec un Alberich saillant et en excellente santé, d’une autorité croissante qui le consacre personnage principal de ce Rheingold – plus d’un spectateur a frémi lors de la fameuse malédiction ! Si un léger déséquilibre marque l’impact des Rheintöchter (Jeni Bern, Sarah Castle et Madeleine Shaw), Yvonne Howard propose une Fricka qui tient largement la route, sans être cependant inoubliable. Saluons le baryton-basse Michael Druiett d’avoir assuré au mieux la partie de Wotan, malgré une angine qui limita ses moyens.
À la tête de l’Orchestra of Opera North, Richard Farnes s’engage précautionneusement dans le drame wagnérien. La cohérence de son approche se place dans une certaine distance qui laisse toutefois percer une expressivité plus déterminante qui ne manquera pas d’investir les prochaines soirées. À suivre, donc !
KO