Chroniques

par jérémie szpirglas

création d’Operspective Hölderlin de Philippe Schœller
Barbara Hannigan, le Quatuor Arditti et le système WFS

Agora / Centre Georges Pompidou, Paris
- 19 juin 2009

Après ses diverses bifurcations, Agora recentre le dernier concert de cette édition sur le cœur musical et scientifique de son projet. Une retour symbolique puisque c’est l’occasion de donner un coup de projecteur sur la manière dont l’électronique a pu influer sur l’écriture du quatuor à cordes — une formation qui, malgré tous les bouleversements de la musique contemporaine, n’a pas perdu le statut de laboratoire qu’elle avait déjà pour Beethoven, Schubert, Bartók et bien d’autres.

À la pointe de ce combat, quelques ensemble de renom, mais aucun qui ait un actif aussi impressionnant que le Quatuor Arditti, fondé il y a trente-cinq ans par Irvine Arditti. Cette ultra spécialisation de l’ensemble — aubaine pour tous les compositeurs, musiciens et aficionados de musique contemporaine — a toute fois ses travers. Le principal d’entre eux est justement l’impact que ce travail extrémiste d’avant-garde (qui implique micro-intervalles, attaques et prises de son inouïes, souvent contraire au beau son du classique, rythmiques aléatoires et bien d’autres choses) a sur la technique de jeu traditionnelle du quatuor. Concentré sur ses créations, l’ensemble a bien du mal à interpréter le reste du répertoire.

Ainsi, lorsque après avoir créé Erinnerung de Denis Cohen, œuvre habile, mais péchant par des longueurs et une écriture excessivement contrôlée, les Arditti s’attaquent au monument qu’est le Quatuor op.10 n°2 de Schönberg, un goût amer de déception vient en bouche. L’œuvre relevant davantage du postromantisme que de la modernité que développera plus tard le père du dodécaphonisme, ces interprètes s’y montrent bien mal à l’aise. Arrivés au final, ils reprennent enfin leurs esprits et créent une atmosphère pénétrée sur laquelle la voix de la soprano canadienne Barbara Hannigan se pose avec grâce, noblesse et gravité — le temps est suspendu, le sublime plane sur la salle, l’espace d’un instant.

Pour clôturer le concert, Barbara Hannigan [photo] et le Quatuor Arditti donnent la toute dernière création de Philippe Schœller, Operspective Hölderlin, qui reprend la formation singulière de Schönberg (soprano et quatuor) en lui ajoutant un dispositif électronique. Radicalement nouveau, ce dispositif repose sur le système WFS qui créé un équivalent sonore de l’hologramme. Malgré quelques longueurs, on admire la manière dont le compositeur s’approprie l’outil et l’intègre dans sa mise en musique du vers d’Hölderlin. Le quatuor se fragmente et s’émiette pour se recristalliser ensuite dans un mouvement fascinant autour de la voix, fluide et mouvante, d’une expressivité singulière.

JS