Chroniques

par françois cavaillès

Così fan tutte | Ainsi font-elles toutes
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart

Opéra de Marseille
- 21 avril 2016
à Marseille, reprise réussie du Così fan tutte (Mozart) de Pierre Constant
© christian dresse

Parmi les grands moments de ce Così fan tutte très applaudi à Marseille par une salle quasi-comble, figure au premier acte l'air Un'aura amorosa interprété par Frédéric Antoun. Par ce chant d'amour puissant du fiancé Ferrando, d'autant plus évident qu'il s'est alors caché de sa promise, le vaillant ténor québécois a-t-il pu en saluer un autre, immense interprète de Mozart, dont le centenaire de la naissance survient la semaine prochaine... là-haut, tout là-haut, Léopold Simoneau !

Les chanteurs sont mis à l'honneur par la mise en scène que signe Pierre Constant, classique à l'exception notable d'une première scène un peu décalée, les trois hommes s'entretenant torse nu et serviette autour de la taille, dans un hammam. Un second lever de rideau s'ensuit et, devant un fond de décor tout en hauteur et en symétrie, sorte de foyer-tribunal aux tons chaleureux, l'on pénètre vraiment dans l'antre des deux sœurs et dans le jeu des cœurs orchestré par Mozart et son librettiste Lorenzo da Ponte, en compagnie de deux jeunes cantatrices remarquables, belles ingénues aux longues robes blanches, associées avec bonheur dans un duo mutin au soleil de l'adolescence.

Le soprano chinois Guanqun Yu (Fiordiligi), qui mène une carrière intercontinentale concentrée sur le chant en italien (pour l'instant), soigne son entrée gracieuse d'une voix pleine de charme, bien timbrée et à l'émission fort soignée. Plus tard Come scoglio, son grand air de résistance amoureuse, frôle la perfection. De même, mais plus spectaculaire et plus assurée dans son jeu, à l'aise du comique initial jusqu'au désespoir et à la colère à travers l'excellent Smanie implacabili, le brillant mezzo-soprano Marianne Crebassa s'empare du rôle de Dorabella pour sans doute aller encore plus loin, sur les grandes scènes lyriques mondiales...

Alors que se met en place la fascinante expérience de ce pari tenu à contrecœur, ultime épreuve de raison, la musique du Salzbourgeois éclaire tout, et notamment la résignation sincère des amants, pourtant d'une ressemblance confondante, avec l'indifférence pour un esprit très joueur (tel que celui de da Ponte). Cette force du destin, saine union de la foi et du désir, semble alors évidente grâce à la régularité de Lawrence Foster à la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Marseille, et plus impressionnante encore que le quintette et le trio du départ, aux violons magiques.

Passés quelques numéros comiques savoureux, ainsi l'air de séduction absurde Non siate ritrosi par l'envoûtant baryton-basse autrichien Josef Wagner (Guglielmo), ici comédien expert, et avec le bon soutien des seconds rôles, le Don Alfonso bourgeois et peu manipulateur de Marc Barrard et la Despina volontaire et bouffonne du soprano Ingrid Perruche, la joie musicale atteint un sommet à la jonction entre les deux actes, dans la scène du magnétisme, éclatante de courses de d'agonies et ainsi de suite, jusqu'à ce que les couples défaits ou refaits tombent véritablement amoureux de l'amour. Le dénouement bien connu paraît presque laissé aux interprètes, comme en roue libre, mais dans une performance collective maîtrisée, suivant une production de l'Atelier lyrique de Tourcoing moyenne dans le meilleur sens du terme (décors de Robert Platé, costumes d’Emmanuel Peduzzi et Jacques Schmidt). Célébrer la saison des amours avec Mozart, quoi de mieux ?

FC