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Chroniques
concert 11 – Adams, Benzecry, Ives et Lieberson
Giancarlo Guerrero dirige l'Orchestre national de France
Nous rappelions à l’ouverture de cette édition les circonstances et la dynamique ayant conduit à l’invention du festival Présences, prévu à l’époque pour valoriser la création et les jeunes compositeurs [lire notre chronique du 6 février 2015]. Vingt-cinq ans plus tard, la manifestation semble toutefois passer à côté de sa cible et de son utilité, tant par la médiocrité des œuvres présentées que par le manque flagrant de public et de débats autour de l’événement.
Des discussions s’imposeraient pourtant dès la première œuvre de ce onzième concert, donné par l’Orchestre national de France et dirigé par Giancarlo Guerrero, car Madre Tierra d’Esteban Benzecry pose légitimement une question d’intérêt musical. Si une création ne doit être systématiquement révolutionnaire et ne peut être toujours pérenne dans le temps, on peut douter qu’une musique colorée évoluant dans des sphères post-debussystes – et donc également post-wagnériennes – apporte une quelconque évolution, même lorsqu’elle est parsemée de thèmes d’Amérique latine qui rappellent des pièces déjà cinquantenaires. Heureusement que l’orchestre joue bien et gère correctement les multiples polyphonies.
Proposé ensuite, Neruda songs (2005) de Peter Lieberson repose l’oreille et serait même agréable s’il ne comportait que trois chants et non cinq. Laborieusement plus moderne et moins mélodique que le Poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson, le cycle a au moins l’avantage d’éviter de se prétendre autre chose qu’un joli morceau pour voix et orchestre. Les interprètes participent à faire grandir l’ouvrage, très bien chanté par la belle voix grave du mezzo-soprano Kelley O’Connor.
Après la pause, force est de constater que la partition la plus moderne et de loin la plus géniale de la soirée est The unanswered question, composée en 1906 par Charles Ives et créée quarante ans plus tard à New York. Quelle idée incongrue est alors passée par la tête du chef nicaraguayen de faire débuter l’orchestre sans lui, puis d’arriver sous les applaudissements pour prendre en cours et faire monter d’une note les nappes de violons ? En termes d’interprétation, la trompette solo renvoyée au balcon (comme prévu par le compositeur) aurait pu être plus nette et les cordes plus suggestives, mais l’organisation à double-orchestre avec le second chef dévolu aux bois est efficacement gérée.
Enchaîné directement, sans silence ni applaudissement, On the transmigration of souls (2002) de John Adams reprend et se réapproprie une partie des thèmes de l’œuvre d’Ives en y agrégeant des bruits de la rue américaine, des sons d’autoroute et des mesures personnelles à l’orchestre et aux chœurs. S’il s’en inspire et semble même hanté par son modèle, l’ouvrage est suffisamment travaillé pour ne jamais le paraphraser ni le citer, bien qu’il supporte difficilement la comparaison et provoque un certain ennui. Malgré tout, le Chœur et la Maîtrise de Radio France, superbement préparés par Marc Korovitch et Sofi Jeannin, font entendre de belles choses, à défaut de pouvoir complètement passionner l’auditeur.
VG