Chroniques

par monique parmentier

Christophe Rousset et Les Talens Lyriques
Henry Purcell | King Arthur (version concert)

Salle Pleyel, Paris
- 23 janvier 2010
Christophe Rousset et Les Talens Lyriques jouent King Arthur (Purcell) à Pleyel
© eric larrayadieu

King Arthur est un des fleurons d'un genre spécifiquement anglais qui ne dura guère plus d'un demi-siècle, le semi-opéra. Aujourd'hui, un peu comme pour le ballet de cour français, se pose le problème de rendre accessible au public de l'opéra une œuvre qui, bien souvent, lui semble déconcertante. Car dans le cas de King Arthur, sur une durée totale de cinq heures de représentation environ, la musique ne dure qu'une heure trente.

Pas de mise en scène, cette fois : Christophe Rousset en livre une version de concert. Pour conserver le lien avec la partie théâtrale, il a opté pour une solution hybride tentant de théâtraliser le concert, mais dont l'efficacité reste à démontrer. Le « récitant » Olivier Simonnet résume chaque étape de l’argument entre les morceaux. Assis à une table, il tente d’intéresser aux amours contrariés d'Émeline et d’Arthur, nous donnant l'impression d'assister à des actualités télévisées. Ceux qui ne pas connaissent pas l'œuvre apprécient peut-être, mais le ton monocorde et le statisme de la chose n’apportent guère à la musique. Car reconnaissons que c'est bien la musique de Purcell qui mérite d'être connue, et qu’à moins d’une mise en scène, l’histoire importe peu. D'autant plus que ce récitant souligne la spécificité essentielle du genre qui déplait tant aux amateurs d'opéra : aucun des rôles principaux n'est chanté et seuls les personnages fantastiques (mais secondaires) sont mis en musique.

Sous la direction souple et élégante de Christophe Rousset, Les Talens Lyriques font briller de mille feux la partition. Si l'on peut déplorer l'absence des timbales (fin de l'Acte I), les trompettes apportent un brillant et une solennité réconfortante de justesse et de noblesse. Hautbois et flûtes enchantent par une pastorale raffinée. Quant à elles, les cordes créent une soyeuse luminosité, ou un élan incisif comme dans l'air du froid. Tandis qu'à la viole de gambe Isabelle Saint-Yves, Laura-Monica Pustilnik au théorbe et Stéphane Fuget au clavecin accompagnent les chanteurs avec un grand sens de la couleur, Christophe Rousset lui-même vient enrichir la pâte orchestrale d'un somptueux clavecin. L’héritage lullyste de l'œuvre apparaît dans sa clarté à travers cette interprétation subtile.

La distribution vocale est équilibrée. Une des seules choses que l'on puisse regretter est ce besoin qu'ont les chanteurs de river le regard à la partition, ce qui entrave la proximité dramatique avec le public. D'ailleurs, pas moyen de s'y tromper : ce dernier fait un triomphe aux quatuors de buveurs de l'Acte V, ces quatre-mêmes qui ont lâché le recueil, s'amusant à jouer le passage avec un plaisir non déguisé dans cet instant de doux délire. Plus que des sirènes coquines, Judith Van Wanroij et Céline Scheen montrent que la clarté du timbre, loin d'interdire la mélancolie, en souligne les ombres ; dans les rôles de Vénus pour la première et d’« Elle » pour la seconde, elles laissent apparaître la filiation avec l'air de cour anglais par l'aura (d'une tristesse infinie) des peines de cœur telles que les chantaient Dowland, « Love has a thousand ways to please... ». Les timbres sont bien assortis dans les ensembles. Les duos, comme celui de Cupidon et du Génie du froid, se révèlent extrêmement plaisants. Seul petit vrai reproche : l'anglais est perfectible pour tous, manque encore le côté gouleyant de la langue.

Assumées par l'ensemble des solistes, les parties de chœur manquent d'étoffe, bien que parfaitement chantées. L'ensemble des interprètes donne à la chaconne finale tout ce que peut avoir de charme le mouvement de danse qui anime l’œuvre. Elle est bissée, pour le grand plaisir du public et des interprètes.

MP