Chroniques

par hervé könig

Chor und Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks
Cantate Op.112 par Nuno Coelho – Symphonie Op.125 n°9 par Bernard Haitink

Sally Matthews, Gerhild Romberger, Mark Padmore et Gerald Finley
Gasteig, Munich
- 22 février 2019
Quelques jours avant ses 90 ans, Bernard Haitink dirige la neuvième à Munich
© peter meisel

Programme très attendu que celui de ce concert des Chor und Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks (Chœur et Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise), entièrement consacré à Ludwig van Beethoven, avec, en première partie, la très rare cantate Meeresstille und Glückliche Fahrt Op.112. « Dédiée à l'auteur des poèmes, l'immortel Goethe », dit la partition de cette œuvre de novembre 1815 (Dem Verfasser der Gedichte, dem unsterblichen Goethe hochachtungsvoll gewidmet) que le compositeur créa lui-même à la Großer Redoutensaal de Vienne, le jour de Noël de cette année-là. La source d’inspiration fut utilisée quelques temps plus tard par Schubert pour un de ses Lieder. Le terme cantate est abusif, si l’on s’en tient à la définition du genre, car cet opus bref ne se développe pas selon les règles attendues à l’époque. Il s’articule en deux parties, e basta. Bernard Haitink fut affaibli la semaine passée par une dure bronchite. Aussi, contrairement à ce qui était prévu, le grand chef hollandais, qui fêtera quatre-vingt dix ans dans quelques jours, ne dirige-t-il finalement que la symphonie, laissant Meeresstille und Glückliche Fahrt à son assistant, le jeune Portugais Nuno Coelho.

Violoniste né en 1989 à Porto, Nuno Coelho aborda la direction d’orchestre à Zurich. Après avoir suivi les master classes de Salonen, Haitink et Gatti, il obtint le prix Neeme Järvi à Gstaad et celui du Concours international de Cadaqués. Il fut ensuite l’assistant de Dohnányi, Nelsons, Denève, etc. L’an dernier, l’Orquestra Gulbenkian Lisboa l’a nommé chef invité. La carrière s’organise donc plutôt bien. Il commence le premier mouvement, Poco sostenuto, dans un statisme qu’il n’est sans doute pas simple de maintenir en musique, ce que Beethoven réussit, de même que les choristes, très au point. La simplicité d’écriture des premiers vers – Meeres Stille (Quiétude de la mer) – s’appuie sur quelques accords fort bien servis par les cordes bavaroises, dans un son homogène. Une figure syncopée arrive alors, expression de la peur de la mort. La facture devient plus complexe. Glückliche Fahrt (Promenade heureuse), le second mouvement (Allegro vivace) s’élance dans l’euphorie chorale si typique de Beethoven. Saluons le travail rigoureux d’Yuval Weinberg à la tête du Chor des Bayerischen Rundfunks.

Après ce court prélude (moins de dix minutes), la silhouette toujours élégante de Bernard Haitink entre sur la scène du Gasteig – une salle dont l’acoustique n’est franchement pas formidable, contrairement à l’habitude allemande. Allegro ma non troppo e un poco maestoso, ainsi débute la Symphonie en ré mineur Op.125 n°9, engagée dans un pas déterminé et très précis. L’équilibre entre pupitres est une aubaine qui permet d’apprécier plus que jamais l’œuvre beethovénienne dont Haitink, minutieux comme il est, fait encore découvrir des finesses. L’élégance et la vigueur sont les mots d’ordre d’un Molto vivace à la minceur étonnante, préservée des soubresauts nerveux qui souvent animent les exécutions. La partie Presto du mouvement s’enchaîne avec un naturel confondant. Bassons et clarinettes ouvrent la suite où s’impose une sonorité très raffinée, de cette délicatesse d’autrefois, qui confère à l’Adagio molto e cantabile une grâce touchante. Le thème Andante s’élève sans lenteur, heureux, gentil. La subtile nuance des interventions des cors prouve une maîtrise parfaite. L’introduction du Finale semble un peu lasse, comme le vain effort pour se souvenir d’une tempête. La qualité des contrebasses laisse pantois ! Puis l’ode apparaît telle une source timide. Elle grandit sans spectacle, nourrie de sa puissance intérieure. Gerald Finley attaque d’un timbre clair et volontaire la partie chantée. Après un chœur vaillant, le quatuor brille, avec la voix chaude du soprano Sally Matthews, évidente, et la douceur du mezzo Gerhild Romberger. Il n’était pourtant pas raisonnable d’engager Mark Padmore, grand artiste, c’est indiscutable, mais qui n’a vraiment plus les moyens de défendre honorablement sa partie. Le ténor britannique peine au point de sortir l’auditeur d’une écoute où il était captif jusqu’à son solo. Bernard Haitink précipite magistralement la conclusion, sans emphase. Quelle leçon !

HK