Chroniques

par monique parmentier

Castor et Pollux
spectacle de l’ensemble Ausonia

Festival de Sablé / Centre culturel, Sablé
- 27 août 2011
Jean-Baptiste Millot photographie Ausonia
© jean-baptiste millot

En cette dernière journée de l’édition 2011, l’émotion du directeur du Festival de Sablé et de son équipe est plus que perceptible. Pour dire au revoir à tous, il a prévu un programme extrêmement riche et audacieux, conçu autour de jeunes artistes. Son soutien à la nouvelle génération s’avère d’ailleurs sans failles, comme le rappelait la veille Philippe Jaroussky qui remercia publiquement le génie des lieux. Quoiqu’un peu souffrant, ce grand professionnel n’a pas hésité un instant à donner un récital de plus de deux heures en compagnie de son ensemble Artaserse – soit un feu d’artifice vivaldien entre répertoire sacré et profane, vocal et instrumental. Belle preuve d’amitié !

Faisant suite au récital de Violaine Cochard accompagnant Chantal Santon [lire notre chronique da camera du jour] et à la Musique funéraire pour le Prince de Cöthen [lire notre chronique concert du jour], le dernier événement auquel nous assistons est une version de concert de Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau, donnée par l’ensemble belge Ausonia. Après un magnifique CD consacré au Dijonnais – intitulé Que les mortels servent de modèle au Dieu et entendu à Sablé l’année dernière [lire notre chronique du 26 août 2010], Frédérick Haas, claveciniste à l’univers sonore enivrant, et la rayonnante violoniste Mira Glodeanu nous reviennent avec une adaptation de l’œuvre la plus connue de Rameau dont jamais le succès ne s’est démenti. Composé en 1737, remanié en 1754 cet opéra chante la force de l’amitié [lire notre critique du DVD]. Sa splendeur demande des moyens extrêmement importants. Ce soir, Frédérick Hass en propose une exécution concentrée qui tient compte aussi bien des différentes versions existantes que de l’envie de faire découvrir la grâce absolue d’une œuvre dont il parle comme peu savent le faire.

Et quelle merveille que sa vision où les couleurs de l’orchestre ramiste se révèlent aussi ardentes que les passions humaines ! Avec pourtant un nombre restreint de musiciens (pas plus de dix), tout ici résonne de sombres ténèbres (bassons, contrebasse, violoncelle, percussions) et d’incandescente lumière (clavecin, flûte, violon et alto). Les musiciens font varier les climats avec fougue. Leur bonheur permet aux chanteurs de laisser rayonner leur talent. On sent une vraie complicité entre eux, magnifiant texte et musique dont émane la sublime beauté.

Eugénie Warnier est une tendre et passionnée Télaïre. Dans l’air Tristes apprêts, pâles flambeaux, elle se montre poignante. Sa voix est lumineuse et noble et sa déclamation limpide. Arnaud Richard est un Pollux au timbre généreux et sensuel, possédant ce charisme empli d’aimable autorité qui fait les héros, tandis que Reinoud Van Mechelen est un Castor poignant, au timbre nimbé d’une lueur irradiante. D’une diction parfaitement maîtrisée et d’un timbre charnu et héroïque, Mélodie Ruvio campe une Phébé amante blessée et vaillante (dont on élude ici le suicide). Toute la distribution est parfaitement homogène et sa jeunesse en souligne la grande valeur. Anouschka Lara est une suivante mutine et séduisante, David Tricou un grand prêtre autoritaire et Romain Dayez un Jupiter au charme olympien.

La mise en espace de Tami Troman et les lumières de Nathalie Perrier réalisent, avec peu de moyens, un spectacle onirique dont la poésie est un véritable enchantement. Castor et Pollux redevient alors l’opéra où chantent les rêves les plus fous.

Pour finir, un au-revoir discret en l’honneur de Jean-Bernard Meunier. Lors d’une réception lui est remis un livre d’autographes, trace laissée par les artistes qui, durant trente-trois années, firent avec lui découvrir le répertoire baroque, avec passion et sans relâchement ni concession, à un public resté fidèle. Grand défricheur, il a fait du Festival de Sablé un jardin extraordinaire. Tandis que le livre se referme, la question de savoir que deviendra Sablé flotte sur toutes les lèvres. Gageons qu’il restera le pays des merveilles… puisque sa remplaçante (qui nous vient du Théâtre du Château de la ville d’Eu) se prénomme Alice, Alice Orange, à qui nous souhaitons autant de bonheur à Sablé !

MP