Chroniques

par françois cavaillès

Candide
operetta de Leonard Bernstein

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 29 décembre 2016
dans la mise en scène de Francesca Zambello, Candide de Bernstein, à Toulouse
© patrice nin

À Toulouse, à travers un brouillard à n’y plus voir la main au bout du bras, se découvre à la toute fin de l’année le lumineux Candide de Bernstein. Surprenante œuvre hybride du grand chef et compositeur étatsunien que ce chewing-gum voltairien collé à l’opéra, à l’opérette et à la comédie musicale au long des différentes réécritures produites entre la création new-yorkaise en 1956 et la version finalisée de 1989 [lire notre critique du CD]. Le spectacle donné au Capitole se classe dans la dernière catégorie de par son esprit de troupe, son énergie brûle-planches et la forte dose d’humour du livret, surtout parlé ou récité. En provenance du solide Glimmerglass Festival – Francesca Zambello [lire notre entretien], directrice artistique, signe la mise en scène astucieuse et plutôt coquine –, il a été conçu pour et par une jeune équipe de chanteurs également danseurs, avec aussi un gros travail d’adaptation par E. Loren Meeker.

De la rencontre lyrique franco-américaine résulte l’impression de deux solitudes, la finesse du conte philosophique original (publié en 1759 à Genève) et la force divertissante directe de Broadway ne parvenant pas vraiment à s’unir. Au fil du récit picaresque, décors et lumières de plateau télévisé, curieux théâtre moderne traversé de nombreux costumes pimpants et délurés, s’accordent surtout lors de quelques tableaux impressionnants (tel l’Eldorado à l’Acte II), très bien dansés et chantés grâce à la foi, l’esprit ludique et la volonté de fer des interprètes.

Parmi les chanteurs, vaillante équipe d’outre-Atlantique complétée de quelques membres du Chœur du Capitole, autant d’ivraie que de bon grain entre le sémillant mezzo Kristen Choi (la servante Paquette), le gracieux mais parfois mièvre soprano Ashley Emerson (Cunégonde), le caustique baryton Christian Bowers (remarquable en jeune noble Maximilian), le tango plein de beaux flonflons du mezzo Marietta Simpson (la Duègne) et Wynn Harmon (Pangloss/Voltaire), le passable narrateur, victime de lourdeurs textuelles. Étoile filante de la soirée, le mezzo-soprano Cynthia Cook s’avère aussi fine comédienne qu’excellente chanteuse en tant que Baronne, mais l’auteur de la performance vocale la plus applaudie se nomme Andrew Maughan. Émouvant métis Cacambo, le ténor sauve la soirée en doublant d’un coin de la scène et avec brio, dans le rôle principal, son partenaire aux cordes vocales obstruées Andrew Stenson qui donne alors à Candide un remarquable jeu d’expression faciale et corporelle à la Tintin, en plus d’assurer tout le parlé.

Sous l’agile direction de James Lowe, l’Orchestre national du Capitole se fait mutant selon les si diverses inspirations de Bernstein, d’un extrême dansant à l’autre mélodieux. D’abord rapide et luxuriant dans l’Ouverture, au final emporté dans les flammes hollywoodiennes expressives des grands sentiments, l’ensemble réussit tout du long ces étranges coq-à-l’âne parfois si rapides pour passer de la satire à la romance. Dopé à des percussions aussi variées qu’habiles, il trouve le bon rythme – clé de la comédie – pour accompagner les jeunes talents sur scène. Transcendant l’audacieuse farce par de plus subtils jeux de tons dans la fosse, quelques éclairs du génie de Bernstein fascinent, notamment le flot charmant de petite revue musicale qui conclut l’aventure rocambolesque à Venise et le show en beauté, par l’association originale d’instruments à des personnages – ainsi la clarinette altière d’Émilie Pinel au pessimiste et bougon Martin, incarné par le savoureux baryton-basse Matthew Scollin.

FC