Chroniques

par bertrand bolognesi

Belshazzar | Balthazar
oratorio de Georg Friedrich Händel

Théâtre du Capitole, Toulouse
- 24 mai 2011
Patrice nin photographie Belshazzar de Händel à Toulouse
© patrice nin

Depuis quelques temps, il devient assez fréquent de mettre en scène ces œuvres hybrides que sont les oratorios de Händel. De fait, sans doute sont-ils à situer à la frontière entre ce genre et l’opéra – qu’en faudra-t-il penser, d’ailleurs, entre des opéras qui s’assagiraient vers l’oratorio ou des oratorios qui se dégraferaient jusqu’à l’opéra ? Le débat reste ouvert… Aussi, avec la complicité du scénographe Roland Aeschlimann, Christof Nel signait-il de Belshazzar une mise en scène d’une extrême sobriété pour le Festival d’Aix-en-Provence : cette production (ici réglée par Christoph von Bernuth) coréalisée par plusieurs institutions, dont le Capitole, met un terme à sa tournée, après Berlin et Innsbruck, à Toulouse. Séance de rattrapage, donc, pour notre média qui n’avait pas assisté aux représentations aixoises.

Disons-le d’emblée, c’est l’interprétation vive de René Jacobs, à la tête de l’Akademie für Alte Musik Berlin, qui fait tout le sel du spectacle. Non seulement arbore-t-elle une superbe contrastée qui façonne l’exécution dans un riche relief portant adroitement la dramaturgie biblique, mais encore sait-elle prendre une certaine hauteur de ton à énoncer des humeurs qu’elle n’omet cependant pas de judicieusement opposer. Ceci étant dit, l’on goûte avec un vrai plaisir l’excellence de la fosse comme la finesse des vaillantes interventions du RIAS Kammerchor (préparé par Timothy Brown), sans pouvoir aller plus loin.

Outre le manque d’unité d’un plateau vocal forcément déséquilibré, c’est dans la mise en scène qu’on verra le plus triste péché de ce Belshazzar. Certes, l’abstraction pourrait sembler la mesure la moins risquée pour prudemment théâtraliser l’oratorio tout en bridant l’opéra ; elle ne parvient curieusement guère à réunir les genres. Relativement esthétique, l’option pontifie trop volontiers, avec un sérieux qui, à sa manière, s’apparente presque à du cabotinage, dans des grandiloquences contradictoires. Force est de constater qu’à hésiter trop la démarche de Nel ne sait rendre compte de la théâtralité de l’ouvrage tout en s’avérant castratrice. On connaît des réalisations plus audacieuses qui n’eurent pas à en rougir – songeons à Hercules [lire notre critique du DVD] ou à Jephta [lire notre chronique du 13 juin 2010] – : la chose paraît donc possible.

De la vaste distribution ici réunie, passant vite sur les rodomontades instables et minaudières de Rosemary Joshua (Nitocris) comme sur les déroutants engorgements de Kenneth Tarver dans le rôle-titre, notre écoute retiendra l’alto chaleureux et délicatement conduit de Richard Wilberforce dont les incursions, cependant jamais excessives, font grand effet, l’excellent Daniel de Kristina Hammarström, parfaitement phrasé et à la présence idéale, ainsi que le Cyrus à la faconde exquisément ciselée de Bejun Mehta qui signe une nouvelle fois une incarnation händélienne de haute volée.

BB