Chroniques

par laurent bergnach

Bellucci, Joste et Méfano au piano
créations de Bancquart, Bellucci et Pérez-Ramirez

Opéra national de Montpellier / Le Corum
- 20 février 2011

Le 5 mars prochain, au festival Ars Musica de Bruxelles, Katia et Marielle Labèque feront entendre Capriccio, une nouvelle œuvre signée Philippe Boesmans (né en 1936). Du compositeur belge, à Royan le 29 mars 1974 les musiciennes défendaient Sur Mi pour percussion, orgue électronique et deux pianos, que Jacqueline Méfano et Martine Joste – comptabilisant à elles deux plus de cent cinquante créations solistes ! – interprètent en ouverture de concert. Sous la direction de l’époux de la première, la pièce alterne des moments nerveux et d’autres plus méditatifs, avec cette incursion récurrente d’un grésillement d’orgue (partie autrefois tenue par Bernard Foccroulle, aujourd’hui par… la brochure du programme reste muette).

Dès le milieu des années soixante, Alain Bancquart (né en 1934) prend en compte « l’effritement des systèmes de hiérarchies du monde tonal » et développe son intérêt pour les micro-intervalles. En début de seconde partie, nous retrouvons les deux interprètes pour la création de Polyphonie étrange aux diverses parties caractérisées – la première, vive et continuellement tendue, se calme soudain ; la deuxième, un quasi solo perturbé par des heurts réguliers en parallèle, s’achemine vers un compromis qui rééquilibre les flux ; etc.

De façon moins flagrante, Giovanni Bellucci joue aussi la musique de son temps, avouant un goût pour Busoni, Barraqué et Stockhausen. De ce dernier, dans une clarté magnifique, il entame Klavierstuck VII où un hiératisme plombé profite de la résonnance et du silence, contrastant efficacement avec les passages plus fluides. Il livre également une courte pièce personnelle et virtuose, Magnificat d’après Palestrina – qui démarre avec quelques syllabes d’une voix angélique dans les haut-parleurs –, ainsi que la Première sonate pour piano de René Kœring – page nerveuse, mordante et nuancée, parfois bavarde autant que d’une grande subtilité de texture.

À la demande du pianiste, Marco-Antonio Pérez-Ramirez (né en 1964) a composé Death for 88 voices – référence aux touches d’un instrument auquel il est peu enclin. Comme pour ses dernières pièces, Primitive Dream etShouting silences marquées par le deuil ou la colère, celle-ci s’affirme en partie une résistance à notre société « désœuvrée et brutale, […] un appel tendu vers la lucidité et l’action ». À l’aide de notes piquées (picorées ?), pizzicati sur les cordes et coups de maillet sur le bois intérieur, Bellucci transmet l’énergie et la résonnance lugubre de cette partition.

LB