Chroniques

par david verdier

Bach par Amandine Beyer
sonates et partitas, concert 2

Théâtre des Abbesses, Paris
- 23 mars 2013

Le printemps est prétexte à toutes les fantaisies. Pour Amandine Beyer, la première consiste à s'amuser elle-même d'un ultime changement de programme, préférant faire entendre tout d'abord l'éclat de la Partita en mi majeur n°3 BWV 1006 avant l'introversion du si mineur de la premièrePartita.

Pour ce deuxième volet des Sonates et Partitas de Bach, la violoniste préfère jouer avec partition – sage résolution après les chausse-trappes du premier concert [lire notre chronique du 13 février 2013]. Dans le prélude, la lecture est aérienne, presque volubile. L'architecture de verre révèle ses clochetons dans l'aigu, tandis que la souplesse du poignet fait merveille dans les notes liées. Plus ou moins fluide dans le Loure et la Gavotte, l'archet est à la fête dans les deux Menuets, avec des alternances de sons pleins et de sons filés, comme pour imiter la vielle. Les ornements qui se font jour dans les reprises créent des effets surprenants qui retardent la pulsation en mettant la justesse en danger. À trop creuser le stuc, les figures ornementales amincissent le discours. La Bourrée exige moins de changements de position, elle s'ébroue gaiement sous les doigts d'Amandine Beyer, ici parfaitement à l'aise. La Gigue est très légère, l'air de rien et comme en apesanteur – un beau moment donc.

L'enchaînement avec le si mineur de la Partita n°3 BWV 1002 est – hélas ! – moins évident à négocier. Cette suite de mouvements « doublés » est d'une intransigeance technique beaucoup plus extravertie que la précédente. D'emblée, l'Allemande bute sur la fausse bonne idée d'en dégager tout à la fois la rugosité et la spiritualité. Le résultat est heurté et souvent en butte à une intonation en fuite. Dans le Double I, la première reprise offre la belle surprise d'un archet aussi doux qu'un pinceau – contraste total avec la dureté de la furie de notes s'échappant de la spirale infernale des arpèges du Double II. Hésitant entre prudence et funambulisme, la violoniste oublie de jouer la Sarabande et son Double pour filer directement au Tempo di borea (Gavotte). Les intentions tâtonnent et cherchent un terrain moins aléatoire, en pure perte. L'harmonie perd pied mais, malgré quelques bancs de sable, la barque arrive à bon port.

La pause sera bénéfique et permettra à l’artiste d'obtenir un meilleur équilibre général dans la Sonate en la mineur n°2. L'alternance de longues tenues et de trilles est maintenue sans rupture de la phrase. La Fugue se souvient des risques pris le mois dernier, surtout dans la deuxième Partita. Tout est mieux contrôlé, mieux construit à défaut de chercher à impressionner par la hauteur de voûte ou la dimension sonore. L'Andante est abordé sans cette pulsation romantique qu'on y entend souvent. La simplicité de l'agogique y fait merveille, parfaitement en phase avec l'esthétique et les capacités de l'instrument. Les ruades nerveuses propulsent l'Allegro final au delà des ornières du beau son, mais qu'importe !

Avec beaucoup d'humour, la violoniste adresse son bis aux auditeurs distraits (comme elle) qui n'auraient pas remarqué l'omission de la Sarabande et du Double dans la Partita si mineur. L'interprétation préfère laisser de côté la virtuosité pour convaincre par la modestie de la projection naturelle. Pour se faire pardonner, l'Adagio quasi-chuchoté de la Sonate en ut majeur n°3 BWV 1005 referme l'écrin intimiste sur une bonne impression.

DV