Chroniques

par laurent bergnach

Aventures et Nouvelles aventures
spectacle de l’Ensemble Justiniana

Opéra national de Paris / Amphithéâtre Bastille, Paris
- 12 décembre 2007
Aventures et Nouvelles aventures, spectacle de l’Ensemble Justiniana
© dr

Gêné par le fait que notre approche de l'opéra nécessite une connaissance intime du livret ou, au moins, un résumé de l'action, György Ligeti (1923-2006) cherche à s'affranchir du récit – mais pas de la voix : de nombreux lieder de jeunesse et chœurs a cappella témoignent du contraire. En 1967, il évoque le texte idéal pour des œuvres musicales scéniques : « un tel texte ne devrait fixer aucune relation abstraite mais traduire directement des émotions et des comportements, de sorte que les éléments scéniques et les actions puissent être pris pour des choses sensées au lieu des extravagances abstraites du texte ». Aventures (créé à Hambourg, le 4 avril 1963) et Nouvelles Aventures (dans la même ville, le 26 mai 1966) reflètent déjà cette envie, puisque d'étranges onomatopées tiennent lieu de discours, ne prenant pas vie avant la musique, mais bien en même temps qu'elle.

À l'aide du rire, du grognement, du soupir ou du gloussement, Ligeti laisse place aux émotions intimes (mélancolie, sanglots), mais principalement à « tous les affects humains ritualisés par les relations sociales tels la connivence, le désaccord, la domination et la soumission ». Avec l'Ensemble Justiniana, Charlotte Nessi nous convie justement à un banquet burlesco-surréaliste, au cours duquel – les enfants étant priés de rester dans leur chambre –, les grandes personnes se livrent au jeu de la vie, avec grandiloquence et donc, comme souvent, ridicule. Tout autour, comme autant de portraits d'ancêtres, les musiciens encadrés accompagnent quatre comédiens, trois chanteurs – le soprano Jody Pou, le mezzo Katalin Károlyi et le baryton Paul-Alexandre Dubois, vaillants et ne manquant pas d'impact –, ainsi qu'une danseuse.

L'aventure ne s'arrête pas là : après la fête, tels des canaris fondant sur les miettes de la nappe, une vingtaine d'enfants envahissent la scène, remplaçant les adultes. Outre leurs gestes et leurs vices, le Chœur d'enfants Sotto Voce imite également leur sabir, grâce à Miniwanka or the moments of water, une partition du Canadien Raymond Murray Schafer (né en 1933). L'esprit sonore est le même que précédemment, même si la limpidité des voix sert ici une expressivité moins tonitruante. Outre Denis Comtet à la direction, c'est avec plaisir que nous retrouvons Dana Ciocarli pour des intermèdes puisés dans Musica Ricercata (1951-53) – n°1 en ouverture, n°3, n°7, etc. –, puisque c'est sans froideur qu'elle livre ces miniatures souvent mécaniques.

LB