Chroniques

par bertrand bolognesi

Ariane Matiakh dirige l’Orchestre National de Montpellier
Dmitri Chostakovitch | Symphonie en ut majeur Op.60 n°7 dite « Leningrad »

Opéra national de Montpellier / Corum
- 12 mai 2006
Dmitri Trahtenberg immortalise le terrible siège de Léningrad
© dmitri trahtenberg

Le 22 juin 1941, les troupes allemandes pénètrent l'URSS, arrivent en septembre aux portes de Leningrad qu'elles assiègent huit cent soixante-dix jours durant. Auparavant, Dmitri Chostakovitch avait commencé d'imaginer une Septième Symphonie, mais c'est la terrible famine de ces mois d'horreurs qui cristallisera son projet, achevé juste avant la nouvelle année. L'œuvre sera créée trois mois plus tard à Kouïbychev où le compositeur a trouvé refuge officiel, après l'évacuation de « la porte sur l'Europe » en octobre.

L’exécution montpelliéraine de la Symphonie en ut majeur Op.60 n°7 « Leningrad » était initialement prévue sous la direction de James Colon. Celui-ci ayant dû y renoncer il y a trois semaines, c'est à la jeune Ariane Matiakh, chef assistant de Friedmann Layer, qu'en revient la charge. Formée aux conservatoires de Reims et de Rueil-Malmaison puis à la Musikhochschule de Vienne, la musicienne a rejoint l'Orchestre national de Montpellier il n'y a que quelques mois. Autant dire que le public attend de cette soirée qu'elle révèle les qualités de l'artiste.

C’est vers une mélancolie relativement tragique qu'Ariane Matiakh oriente les premiers pas de l'Allegretto d’ouverture, bientôt mis en relief par la crudité des ponctuations de cordes. Au travail de couleur du thème méditatif, où l'on remarque la fragilité touchante du violon solo (Dorota Anderszewska), succède la marche inexorable de l'ennemi, passage particulièrement difficile qui, malgré une réalisation techniquement irréprochable, ne parvient pas à affirmer ce soir toute sa force. De fait, la sonorité générale paraît un rien trop nonchalante pour cette musique qu'on ne saurait rendre moins grave qu'elle l'est, si bien que l'interprétation demeure de courte portée.

Le Moderato impose un malaise calme dont Ariane Matiakh distille la plainte. Là, elle trouve tout de suite un certain ton qu'elle tient avec un naturel confondant. De cette déambulation plus abstraite qui réclame moins d'expressivité, notons le grand soin apporté aux passages chambristes, la parfaite mise en place des pizz' et aussi la « graisse » idéale de la suspension du thème de cirque horrifique, dans une nuance toujours minutieusement dosée. Aussi, le traitement des vents du début du mouvement suivant (Adagio), peut-être influencé par la Symphonie de psaumes de Stravinsky, bénéficie-t-il d'une approche précise, de même que les unissons de contrebasses, d'une fiabilité exemplaire. Pour être fort efficace, tout cela ne transcende cependant pas une lecture prudente.

C’est dans l'Allegro non troppo que la cheffe parvient finalement à déployer souffle et puissance, dans une pâte enfin véritablement expressive. Certes, la Symphonie n°7 n'a pas pris l'envol souhaité mais, partageant sur ce point et de bon cœur l'enthousiasme du public, saluons cette baguette prometteuse d'avoir relever le défi.

BB