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En 2003, l'usine Metaleurop de Noyelles-Godault était brutalement liquidée par les financiers de Glencore qui en avaient le contrôle, nouveau désastre social pour une région qui depuis trente ans paie au prix fort la lente politique européenne de désindustrialisation. La liquidation de la plus grande fonderie de plomb et de zinc d'Europe laisse huit cent travailleurs sur le carreau, parfois mis en petite forme par le saturnisme, et une bombe écologique à retardement qui touche la nature environnante comme les familles de riverains dont les enfants présentent souvent des taux de métaux lourds anormalement élevés dans leurs analyses. Les archives de cette usine centenaire, qui fut successivement propriété des Italiens de Malfidano, des Espagnols de Pennaroya, puis du groupe Glencore de sinistre mémoire, ont été reprises par les Archives Nationales du Monde du Travail de Roubaix (ANMT). Le fonds a été traité directement sur le site par une équipe comprenant des anciens salariés de l'usine, lesquels ont trié et classé les documents avant de les transférer à Roubaix.

Ce concert de l'Orchestre national de Lille, dirigé par Ariane Matiakh, est donné gratuitement aux ANMT en l'honneur des travailleurs de Noyelles-Godault, pour célébrer la fin prochaine du transfert des archives. D’anciens salariés sont présents, représentant Chœurs de fondeurs, association constituée lors de la liquidation du site. Le programme est en partie inspiré par l'Espagne, manière de rappeler la nationalité d'un des propriétaires le plus durable de l'usine.

On débute donc par l'Ouverture de Los esclavos felices,opéra de Juan Crisóstomo de Arriaga. Né à Bilbao en 1806, mort vingt ans plus tard à Paris, Arriaga est parfois surnommé le Mozart espagnol. Il eut le temps de composer un catalogue assez fourni (un opéra, des quatuors, une grande symphonie, etc.), mais en partie perdu, comme pour Los esclavos felices, dont ne subsiste que l'Ouverture. À l'écoute de cette pièce agréable, d’allure rossinienne, il est un peu présomptueux d'en faire un Mozart ou un Beethoven, mais ce compositeur demeure un excellent musicien, au talent précoce, qui aurait sûrement compté parmi les figures musicales de son époque si la tuberculose n’avait interrompu son existence

On poursuit avec la Symphonie espagnole en ré mineur Op.21 d'Edouard Lalo, dont le soliste est Graf Mourja, bien connu du public « nordiste » pour sa participation régulière au Festival Juventus. Les conditions de ce concert ne sont pas idéales, car le hall des ANMT n'est guère adapté à la pratique musicale : plafond bas, structure métallique, spectateurs placés en croix par rapport à la scène. Pourtant, l'exécution est de bonne tenue, avec un orchestre bien mené par Arianne Mathiak qui donne du rythme et des couleurs, évite de noyer le soliste. Celui-ci est d'une sobriété exemplaire, évitant de se laisser aller à des débordements folkloriques, sans que cette rigueur puisse être confondue avec de la sécheresse. Vif, élégant et stylé, le jeu est virtuose mais sans ostentation, et la légèreté des phrasés, sa musicalité pure et généreuse, font merveille, particulièrement dans le deuxième mouvement, Scherzando, dont la séguedille est fort gracieusement rendue.

Pour finir, la Symphonie en la majeur Op.92 n°7 de Beethoven.
Mathiak la joue avec rigueur et fermeté, d'un geste assuré, usant d'articulations courtes. Elle demande peu de vibrato aux cordes. Son interprétation est énergique, sans manquer jamais de subtilité, et l'équilibre entre les pupitres s’avère honorable, vues les conditions acoustiques difficiles. Le premier mouvement aux accents tranchants est bien rythmé, très maîtrisé, alors que l'Allegretto, au tempo allant, est mené sans grandiloquence. La pâte sonore est légère. Les deux dernières parties bondissent, avec un finale brillant et volontaire. Avec ce concert, l'ONL commence sa nouvelle saison en beauté, à l'extérieur de ses bases, selon son habitude.

RL