Chroniques

par gérard corneloup

Arabella Steinbacher joue le Concerto Op.35 de Korngold
Lawrence Foster dirige l’Orchestre national de Montpellier

Opéra national de Montpellier / Corum
- 6 avril 2012
la jeune et talentueuse violoniste allemande Arabella Steinbacher
© dr

Pour un amoureux de la musique, les merveilles qu’elle contient, le bonheur qu’elle peut offrir, la séduction qu’elle sait exercer sont encore transcendés quand ils sont l’occasion de découvrir une jeune interprète point encore arrivée dans le « peloton » de tête de son art, mais possédant à coup sûr toutes les qualités pour grimper les dernières marches. C’est le cas de la Munichoise Arabella Steinbacher [lire notre entretien], brune sur le programme, blonde sur la scène, et tirant d’enivrantes beautés de son violon… qui plus est un Stradivarius de 1716.

Un bonheur ne venant jamais seul, c’est bien connu, il s’agissait également d’écouter, voire de découvrir une partition peu connue, d’un compositeur qui ne l’est guère plus : le Concerto pour violon et orchestre en ré majeur Op.35 d’Erich Wolfgang Korngold.

D’abord, un enfant prodige, dans l’empire austro-hongrois finissant ; un jeune compositeur apprécié des Viennois, ensuite. Puis un proscrit que la montée du nazisme oblige à traverser l’Atlantique pour le Nouveau Monde. Enfin, un fournisseur habituel et doué de la Warner en musiques de film, de Captain Blood à Robin des Bois. Dans tout cela, il y a heureusement un postlude : la guerre achevée et gagnée, Korngold revint à la musique dite « classique » avec cette partition de 1947, dédiée à Alma Mahler.

Si les trois mouvements habituels sont bien là, les lignes mélodiques reprennent trois thèmes extraits de partitions écrites justement pour le grand écran. Cela aurait pu faire collage, mais ce n’est absolument pas le cas. Sans heurts, avec une continuité du discours habilement conduite, des contrastes bien dosés, des instruments opportunément sollicités telle la clarinette dans le mouvement médian, l’enchainement est aussi habile que réussi. La partie de violon se taille, bien sûr, la part du lion, dès son premier solo introductif, avant que de finir par les élans d’un Allegro final lumineux. Pour Arabella Steinbacher, c’est un parcours sans faute et plein de musicalité, tout comme dans l’autre œuvre, bien différente, inscrite au concert : le Poème d’Ernest Chausson, opus plus souvent joué dont la jeune soliste détaille à merveille la confidentialité, les mélismes et les élans retenus – le tout sous la direction complice de maestro Lawrence Foster.

Le chef et l’orchestre se retrouvèrent pour deux partitions bien différentes… et fort inégalement défendues. Passons donc sur une symphonie de Joseph Haydn, en l’occurrence La Reine, dont la luisante translucidité était par trop remplacée par une encombrante épaisseur comme par une direction plombée, métronomique, accablante.

En conclusion de soirée, L’Apprenti sorcier de Paul Dukas offrait plus de plaisir. Une musique élégante, une orchestration vivante et vibrante, des jeux de timbre fort bien servis par les divers pupitres et une direction revenue en situation.

GC