Chroniques

par irma foletti

Angela Meade et Giulio Zappa
Bellini, Korngold, Meyerbeer, Schumann et Strauss

Rossini Opera Festival / Teatro Rossini, Pesaro
- 17 août 2019
Le soprano Angela Meade en récital au Rossini Opera Festival de Pesaro
© studio amati bacciardi

En première apparition au Rossini Opera Festival, le soprano américain Angela Meade propose un récital couvrant un large répertoire, de Bellini à Strauss et Korngold, en passant par Meyerbeer. Il est particulièrement osé, et certainement périlleux, de démarrer un programme par Casta Diva, soit l’air de Norma connu du public à peu près par cœur. Cela se vérifie cet après-midi, les premières mesures se révélant plutôt hasardeuses quant à l’intonation et à la conduite de la ligne vocale. Au cours de cette cantilène, la qualité du timbre devient ensuite plus homogène, le style expressif et plus agréable, la chanteuse étant dotée d’un registre aigu puissant et facile, capable aussi de nuances piano bienvenues. Les deux chansons du même Vincenzo Bellini, Vaga luna, che inargenti et Ma rendi pur contento, sont données dans l’enchaînement, avec une grande douceur et une jolie science du legato. Il eut d’ailleurs été préférable d’entamer le récital avec ces deux ariettes moins exposées, afin de mettre plus sereinement l’instrument en place.

La séquence Giacomo Meyerbeer qui suit démarre avec Le vœu pendant l’orage, longue mélodie introduite avec dextérité et rapidité par Giulio Zappa au piano. La voix s’épanouit dans une bonne qualité de français, ce qui est un peu moins vrai dans La fille de l’air, un morceau rapide, espiègle sur quelques petites notes de piano. Vient ensuite Ma barque légère, parfois sur un air de valse, où l’on remarque à nouveau que la prononciation devient moins idiomatique lorsque le rythme s’accélère, avant une Sicilienne. Robert, toi que j’aime, air extrait de Robert le diable, constitue certainement le sommet du programme : diction magnifique, chant de grande ampleur, aigus tour à tour puissants et allégés, graves bien exprimés, et une belle présence de l’accompagnement. Angela Meade ajoute même un suraigu en partie finale. La prestation est un très grand moment, saluée longuement par le public.

La soliste prend un petit repos pendant que Giulio Zappa interprète Arabeske en ut majeur Op.18 de Robert Schumann. Elle revient en scène pour Glück, das mir verblieb, la chanson de Marietta extraite de l’opéra Die tote Stadt d’Erich Wolfgang Korngold. Le pianiste installe rapidement une ambiance crépusculaire. On admire le contrôle de la ligne vocale et la prononciation allemande s’avère de qualité, y compris dans le petit passage parlé avant la dernière strophe. En conclusion, quatre derniers Lieder empruntant à Richard Strauss : Ständchen Op.17 n°2, Allerseelen Op.10 n°8, Befreit Op.39 n°4 et Zueignung Op.10 n°1 mettent à nouveau en évidence les atouts de la chanteuse – ses importants moyens, gestion du legato, capacités de modulation, réserves de souffle –, mais laissent aussi entendre, par instants, un timbre d’une moindre séduction, plus pointu.

Les héroïnes choisis en bis conviennent idéalement à ses compétences, d’abord Adriana Lecouvreur (Cilea), l’actrice au fort caractère, avec Io son’ l’umile ancella, puis La Wally (Catalani) qui chante Ebben? Ne andrò lontana avant de se suicider dans la montagne. Le récital se termine en langue anglaise par un brillant I want to be a Prima Donna tiré de l’opérette The Enchantress de Victor Herbert, où l’interprète commence à joindre le jeu au chant. Un programme globalement convaincant, même s’il est curieux de n’y avoir entendu aucune note de Gioachino Rossini.

IF