Chroniques

par laurent bergnach

Amadis
tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully

Opéra-Théâtre d'Avignon et des Pays de Vaucluse
- 24 janvier 2010
© cédric delestrade | acm studio avignon

À la longue liste des amants injustement soupçonnés (Desdemone, Mario, etc.), ajoutons les noms d’Amadis et d’Oriane. Chacun d’eux, en effet, a des doutes sur la sincérité de l’autre, et se confie à son entourage. Telle est la situation de départ d’une tragédie en cinq actes avec prologue créé en 1684 qui, en parallèle et jusqu’à son heureux dénouement, propose d’autres émois passionnés – la liaison heureuse de Florestan et Corisande ou l’amour de la magicienne Arcabonne pour un bel inconnu qui lui sauva la vie. En s’emparant du roman de Garci Rodriguez de Montalvo (Amadis de Gaule, écrit en 1508, traduit en français en 1540), trente ans avant l’Amadigi de Händel (1715), Jean-Baptiste Lully et son librettiste Philippe Quinault délaissent l’Olympe et l’Hadès pour des héros gallicans qui enchantèrent Henri IV et Cervantès autant que Thérèse d’Avila. Car, outre un écho à la constance du fin’amor – Amadis aime mieux « être malheureux qu’infidèle » –, c’est l’esprit conquérant de la chevalerie qu’on y célèbre, sur fond de sorcellerie.

Souhaitant aborder l’ouvrage avec « un sentiment mêlé d’intimité et de familiarité, comme s’il venait d’être écrit », Olivier Bénézech propose une mise en scène écartant reconstitution historique et « tendance robe de cocktail 1950 ». S’il s’inspire de la bande dessinée (coiffure et manteaux longs de Frédéric Olivier rappellent effectivement certains mangas), certains enchanteurs semblent habiter Pandora et quelques monstres fréquenter Saroumane. Sans être source d’ennui, les déplacements sont relativement minimalismes, comme cette danse gracieuse, à l’énergie concentrée, signée Françoise Denieau – assistée par le soliste Robert Le Nuz. Seule la scénographie suscite notre réserve, avec ces volumes aériens qui encombrent inutilement l’horizon et l’enlaidissent au moment de projections dispensables.

C’est avec enthousiasme que le public a salué les artistes d’une œuvre rarement programmée. Dagmar Saskova (Corisande) et Edwin Crossley-Mercier (Florestan) nous ont particulièrement séduits : le dessus projette avec évidence un cuivre lumineux, tandis que la basse taille ajoute chaleur et santé de l’émission à une diction parfaite. Si le brillant Cyril Auvity déçoit par des notes tendues et Katia Valletaz (Oriane) par un chant longtemps étroit, ils savent faire preuve d’une tendre délicatesse, comme pendant O Ciel ! Le puis-je croire, duo de réconciliation après avoir craint le pire. Expressive, Isabelle Druet (Arcabonne) se montre à l’aise sur l’étendue de la tessiture. Hjordis Thiebault (Urgande) offre rondeur et onctuosité, tandis qu’Alain Buet compose un honnête Arcalaüs et Arnaud Richard un Alquif à l’articulation soignée.

Vaillants et nuancés, Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles ont mérité leur part d’applaudissements, tout comme Olivier Schneebeli, à la tête de l’Orchestre des Musiques Anciennes et à Venir. À cette formation qui intégrait des instruments recréés par Antoine Laulhère et Giovanna Chittò (hautes-contre, tailles et quintes de violons), ce spécialiste du baroque français impose d’emblée élégance et légèreté, voire une tendresse recueillie (début de l’Acte III).

LB