Chroniques

par david verdier

Acis and Galatea | Acis et Galatée
oratorio de Georg Friedrich Händel

Festival d’Aix-en-Provence / Domaine du Grand Saint-Jean
- 16 juillet 2011
Pascal Victor photographie Acis and Galatea au Festival d'Aix-en-Provence
© pascal victor | artcomart

La bonne surprise du Festival d'Aix-en-Provence est venue de la subtile pastorale de Händel, Acis and Galatea, donnée au Grand Saint-Jean. La poésie du cadre naturel est parfaitement mise en valeur par la mise en scène de Saburo Teshigawara – qui signe également lumières, costumes, décors et chorégraphies. Le résultat est extrêmement réjouissant : une sorte de combinaison inédite entre paysage sonore et paysage mental dont le souvenir dépasse largement l'impact rétinien.

La scène occupe un espace minuscule à l'arrière de la bâtisse. Un décor végétal simple en épouse les contours, tandis que les arbres du parc sont intégrés à l'arrière-fond par l'utilisation de projecteurs à lumière variable. La mise en scène et l'éclairage complexe organisent une mise en perspective des voix afin de moduler effets visuels et plans sonores. Ainsi transformé en un lieu mythologique, le jardin semble flotter dans un espace multidimensionnel assez indéfinissable où la lumière joue le rôle principal, détaillant çà et là tout un monde de nymphes et de faunes dissimulé dans les joncs. Ultime préciosité mais vrai défaut, la projection malaisée du livret sur le mur latéral oblige à tourner fréquemment la tête (ce dont on finit par se passer rapidement, compte-tenu de la simplicité de l'intrigue et de l'intensité du spectacle).

L’Orchestre baroque de l’Académie européenne de musique est constitué d’une quinzaine de jeunes instrumentistes dont la diversité des origines géographiques et de formations est sujet d'émerveillement. Le chef argentin Leonardo García Alarcón a privilégié la première version d’Acis and Galatea, moins exigeante vocalement que la sérénade italienne éponyme, composée dix années auparavant. Au total, dix chanteurs chantent en alternance les cinq parties chorales ainsi que les trois rôles-titres. Cette pastorale (avec grillons obligés) se fond dans un ensemble particulièrement homogène et d'une touchante proximité avec le public. Le plein air assèche considérablement le timbre des instruments et contraint les musiciens à se réaccorder fréquemment. Malgré quelques nervosités dans les tensions agogiques (cordes et bois), l'orchestre pallie la faiblesse de projection et la netteté acoustique redoutable. Les qualités techniques des instrumentistes sont remarquables ; on a rarement entendu ensemble baroque aussi précis de justesse et de mise en place.

« Premier prix » également pour la Galatée de Julie Fuchs.
Son premier air (Ye verdant plains and woody mountains) est très fluide et d'un galbe parfait. Coiffure, robe et gestes vaporeux ont une identité graphique japonaise ; la chorégraphie de Saburo Teshigawara l'entoure d'un écrin esthétique sobre et discret. Le timbre de Julien Behr (Acis) n'est pas immédiatement au rendez-vous mais trouve rapidement sa dimension et ses couleurs dans Love in her eyes sits playing, seule véritable occasion de briller offerte par un rôle somme toute assez pâle. Le Polyphème de Joseph Barron aurait certainement mérité costume moins ridicule. Les yeux fermés, on apprécie une ligne vocale fort incarnée, avec des couleurs assez ternes toutefois. Le chœur est bien équilibré et d'une agréable justesse harmonique.

Une chorégraphie trop bavarde contraints les chanteurs à des contorsions inutiles qui viennent surcharger le chant. L'orage menaçant participe à la dramaturgie en ajoutant sa basse continue au tragique purcellien de la scène finale. Au milieu du paysage sonore, cette belle image d'Acis qui se relève – métamorphosé en source d'eau à laquelle boit Galatée.

DV