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Chroniques
Accroche Note
Chostakovitch, Denissov, Glière, Kasparov, Khatchatourian et Stravinsky
Fondé en 1981, l’ensemble Accroche Note fête cette année trente ans d’existence. Pour qui n’a pas l’occasion de l’entendre en son fief alsacien – comme l’automne dernier, au festival Musica, à défendre la musique de Bertrand, Combier et Robin –, un passage récurrent par la capitale est toujours bienvenu, qu’il soit porteur d’un programme russe des plus cohérents, comme aujourd’hui, ou multiculturel (Berg, Debussy, Ligeti, Salonen, etc.), tel en février prochain, durant Présences.
C’est au Trio (1932) d’Aram Khatchatourian (1903-1978) qu’il revient d’ouvrir la soirée. D’emblée, l’Andante con dolore, con molto espressione évoque les origines arméniennes du compositeur né à Tiflis. Orientale, la clarinette se mêle à un violon lyrique qu’accompagne un piano assez métallique. Inspiré de danses traditionnelles, l’Allegro s’avère plus rythmé, mais aussi plus ciselé que le premier mouvement, assez pâteux. Quant au troisième et dernier, Moderato offrant des variations sur une mélodie ouzbèque, il se donne des allures de berceuse pour verser ensuite dans un folklore assez kitsch.
Avec les Quatre chansons russes achevées en 1919, dans la lignée populaire des Soucoupes (1917), Stravinsky rassemble des pièces « sans grand souci de cohérence à la demande d’une cantatrice croate » – dixit Marcel Marnat. Comme accompagnateur de Françoise Kubler, le pianiste Markus Belheim se fait plus expressif. Le soprano, monocorde sur Canard, propose un Chant dissident tout en couleur et rondeur.
Duos pour violon et violoncelle Op.39 (1909) permet à Reinhold Glière (1875-1956) [photo] d’organiser de courtes joutes pacifiques aux climats contrastés. Ainsi se succèdent un poignant et douloureux Prélude, une Gavotte sautillante invitant à la futilité d’une danse de cour, Cradle song à la tendre langueur, Intermezzo aux accents de valse viennoise, etc. Cependant, la lecture de Nathanaëlle Marie et Christophe Beau offrent un son propre qui rend bien sage cette œuvre fantaisiste.
Une « suite vocale et instrumentale » attend le public après l’entracte : Sept romances sur des textes d’Alexandre Block (1970), signé Chostakovitch (1906-1975). Au cœur d’un trio instrumental – avec qui elle dialogue à tour de rôle –, la voix délivre la poésie symbolique de Block, tantôt mélancolique ou sereine, tantôt vaillante. Malheureusement, des approximations de part et d’autres gâchent ces moments déjà bien rares en salle.
En sonate, quintette ou concerto, la clarinette tient une place à part dans le catalogue d’Edison Denissov (1929-1996) et il est évident que celle d’Armand Angster mène le jeu dans Oda (in memoriam Che Guevarra, 1968). La première partie de l’œuvre la confronte à des interventions dramatiques, et de moins en moins discrètes, de la percussion assurée par Emmanuel Séjourné (caisse claire, cymbale) et du piano. Marquée par le jeu sur les cordes de ce dernier, par la présence d’un gong et d’un bol, la seconde partie installe une certaine douceur, comme si l’instrument à vent avait imposé sa loi.
De formation scientifique et artistique, Iouri Kasparov (né en 1955) dévoue Cinq figures de l’invisible (2010) « à différentes formes musicales invisibles, qui se nourrissent d’éléments thématiques différents et ont une coloration émotionnelle différente ». Ces miniatures contrastées, en création française devant leur concepteur, offrent des sonorités qui les ancrent dans ce début de siècle : wood-blocks qu’on croirait assaillis par un pic vert, embout de clarinette tenu à la main, archers sur le bois de l’instrument ou encore coups de marteau sur le plancher de la scène.
LB