Chroniques

par irma foletti

A midsummer night's dream | Le songe d’une nuit d’été
opéra de Benjamin Britten

Opéra national de Montpellier / Comédie
- 8 mai 2019
Tito Muñoz joue A midsummer night's dream, l'opéra de Benjamin Britten
© marc ginot

C’est un bien beau spectacle auquel nous avons assisté à l’Opéra Comédie de Montpelier. Montée en coproduction avec le Deutsche Oper de Berlin, où elle sera proposée à partir de janvier prochain, la réalisation visuelle de Ted Huffman est un enchantement, bien dans le ton de l’œuvre composée par Britten. Le rideau se lève sur un plateau vide, sol gris entouré de noir, baigné dans la brume. Les fées, les formidables garçons et filles du Chœur (Opéra Junior, Classe Opéra) entrent en costume gris, nœud papillon, cheveux gominés et plaqués, chacun portant une valise. En y regardant de plus près, aux jumelles, la tête est en fait coiffée d’un bonnet de bain qui porte le dessin de la coupe de cheveux, ceci étant vrai aussi pour Oberon et Tytania. Puck est harnaché pendant toute la soirée par deux câbles qui lui permettent de voler, décoller, tourbillonner dans les airs.

Durant le premier acte, un nuage rose descend des cintres, puis un deuxième, avec une échelle double positionnée devant chacun. À l’acte suivant, c’est une double échelle encore plus haute qui atteint un croissant de lune, le brouillard à l’entame étant cette fois réellement très épais, jusqu’à ne presque plus pouvoir distinguer les personnages. Mais la fumée se dissipe rapidement dans le public, sans toux bruyante ni gênante, l’attention des spectateurs – dont de nombreux adolescents – étant très appréciable, ce soir. Les artisans paraissent sortir directement de leur travail pour participer à la répétition, en long pardessus ou costume pas très net. On déroule un grand tapis rouge au dernier acte pour la réception chez le duc d’Athènes, la représentation de Pyrame et Thisbé étant d’une drôlerie sans lourdeur, avec des poupées géantes accompagnées par les chanteurs, pour figurer les deux personnages.

Curieusement, si le Puck de Nicholas Bruder gesticule beaucoup, ses interventions parlées ne sont pas spécialement surexcitées, comme souvent, mais plutôt désabusées, comme placées sous une espèce de chape de plomb venant des ordres d’Oberon. Le contre-ténor James Hall (Oberon) est élégant, élégiaque, très précis musicalement, avec uniquement un extrême grave moins joli, et il forme un beau couple – mis à l’épreuve au cours de la soirée ! – avec le soprano Florie Valiquette (Tytania), fort à l’aise dans sa partie aigue et les petits passages en agilité [lire notre chronique du 30 mars 2019]. Les couples d’amoureux sont également bien assortis et bien chantants : Marie-Adeline Henry (Helena) domine nettement par le volume et par l’impact théâtral, aux côtés de Roxana Constantinescu (Hermia), du ténor Thomas Atkins (Lysander) et du baryton Matthew Durkan (Demetrius). Les artisans sont tous à citer avec en tête le formidable Bottom de Dominic Barberi qui veut en permanence tirer la couverture à lui, le ténor à la projection puissante Paul Curievici (Flute), Nicholas Crawley (Quince), Daniel Grice (Snug), Colin Judson (Snout), Nicholas Merryweather (Starveling). Richard Wiegold (Theseus) et Polly Leech (Hippolyta) remplissent également leur office.

Mais le grand maître d’œuvre de cette réussite d’ensemble est le chef Tito Muñoz aux commandes des musiciens très concentrés de l’Orchestre National Montpellier Occitanie. Dès les géniaux glissandi des cordes sur les premières mesures, les instrumentistes font preuve d’une application de tous les instants : percussions (magnifique xylophone !), bois chaleureux, un presque sans-faute des cuivres tout au long d’une partition parfois redoutablement virtuose. L’équilibre sonore est maintenu entre fosse et plateau, le chef indiquant par ailleurs l’exhaustivité des départs aux chanteurs sur scène.

IF