Chroniques

par laurent bergnach

A midsummer night's dream | Le songe d’une nuit d’été
opéra de Benjamin Britten

Opéra national de Lorraine, Nancy
- 27 juin 2008
A midsummer night's dream (Britten) à l'Opéra national de Lorraine (Nancy)
© marc antoine

« En vieillissant,confie Benjamin Britten dans The Observer du 5 juin 1960, il semble que ce sont les œuvres des très vieux ou des très jeunes qui m'attirent le plus. J'ignore quel âge avait Shakespeare quand il a écrit The [sic] midsummer night's dream mais il m'a toujours semblé que c'était l'œuvre d'un auteur très jeune... ». Confronté depuis octobre 1958 à ces histoires de chassés-croisés amoureux sur fond de surnaturel, le compositeur n'ignore pas la difficulté d'avoir choisi une œuvre littéraire ayant déjà son rythme propre : « La musique du texte et celle que j'ai composée se situent à deux niveaux totalement différents. Cependant, en travaillant, je suis constamment conscient qu'il faut éviter de ne laisser passer qu'une seule phrase peu approfondie, car elle serait mise en parallèle avec une poésie exceptionnelle ». Pour des raisons de durée, cette dernière est coupée de moitié. L'orchestre s'avère également d'une dimension réduite, avec des groupes précis d'instruments associés aux trois groupes de personnages représentés : les fées (harpe, célesta, percussion), les amants (vents et cordes) et les rustres (basson et trombone).

Ce soir, Juraj Valčuha sait tirer partie d'une partition en demi-teintes, dans un bel équilibre des pupitres. Mais la réserve s'impose en ce qui concerne la mise en scène – en cela au diapason de l'accueil mitigé que reçu celle de la création, le 11 juin 1960. Visuellement, le soin apporté aux costumes féeriques, proches de l'art brut (étoffes scintillantes, ampoules électriques, colifichets), ne ravit qu'un moment, tout comme l'amoncellement d'animaux empaillés et les processions inutiles. On leur préfère la poésie discrète de superbes toiles peintes (philodendrons dentelés, opacité amazonienne), de corps endormis répondant à la magie de Puck (sculptural Brian Green) ou encore de bulles de savon descendant des cintres. À la décharge de Jean-Louis Martinoty, l'ouvrage initialement confié à Omar Porras regorge de longueurs, comme ces règlements de compte entre amants. La représentation finale de Pyramus and Thisbe amène une vivacité bienvenue à un climat quasi contemplatif.

La distribution vocale mêle des talents variés.
Rachid Ben Abdeslam (Oberon) livre un chant délicat et ciselé, mais qui paraît laborieux face à Maïra Kerey, soprano au chant souple et bien mené, aux aigus fulgurants, Tytania crédible jusque dans ces rires et ses danses. Amoureux contrariés, Chad Shelton incarne Lysander avec vaillance, et Jean-Sébastien Bou Demetrius tout en sonorité veloutée ; dommage que leur couples respectifs ne s'équilibrent pas avec Delphine Galou, tremblante Hermia, et la peu à l'aise Marjorie Muray, Helena au chant éclatant mais agressif, devant gagner en rondeur. Les rustres forment un ensemble complice et cohérent : Iain Paterson, Bottom agréablement nuancé ; Jean Teitgen, Quince des plus solides ; François Piolino, Flute convainquant ; Iouri Kissin, Snug à la drôlerie tout en retenue ; Christophe Berry, Snout à la voix idéalement brittenienne ; enfin Thomas Dolié, Starveling prometteur. Le cuivre chaleureux de Randall Jakobsch (Theseus) et l'opulence d'Élodie Méchain (Hippolyta) méritent également d'être salués.

LB