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Мockba Чepюмyшkи | Moscou Quartier des cerises
opéra de Dmitri Chostakovitch
Après les vicissitudes et rebondissements vécus sous ses vigilantes serres, Dmitri Chostakovitch aurait, contrairement au pauvre Prokofiev, le plaisir de constater la mortalité du Guide. En 1953 s'en allait définitivement celui qui, à force d'accusations de formalisme, de pessimisme bourgeois, d'esthétisme individualiste et autres épouvantails, contraignit le musicien à masquer ses inspirations et aspirations, à s'employer alors à la survie de son génie sous contrôle plutôt qu'à l'épanouissement naturel de son expression. On le sait : Le nez ne plut pas, moins encore Lady Macbeth de Mzensk qui choqua la pudibonderie du tout puissant Georgien.
Avant que de connaître d'autres bévues avec le futur conservatisme soviétique, lamentable générateur des mesquineries inventives qui habitèrent autant de coups bas venus de camarades artistes favorablement « administrés », dans les quinze dernières années de sa vie, le compositeur s'est accordé le plaisir d'imaginer Moscou Quartier des cerises : un sarcasme à mis chemin entre l'opérette et la comédie musicale dont le sujet – la crise du logement en URSS – ne pouvait être autorisé qu'en ces trop brèves années du dégel khrouchtchévien. Sur un livret commandé aux humoristes Vladimir Mas et Mikhaïl Tchervinski par Grigori Stoliarov, alors directeur du Théâtre d'Opérette de Moscou, l'œuvre fut créée au dit théâtre dans une mise en scène de Sachs et Kandelak, en janvier 1959, et connut un succès tel qu'en 1961 l'auteur dut en remanier certains passages pour l'adaptation cinématographique de Rappaport.
Après la première française présentée il y a un peu plus d'un an à Lyon par le tandem Makeïeff-Deschamps, c'est Mireille Larroche qui signe une nouvelle vision de l'ouvrage, coproduite par l'Opéra de Toulon, la Péniche Opéra, l'Espace Prévert (Aulnay-sous-Bois) et le Théâtre Luxembourg de Meaux. Investissant scène, fosse, baignoires et couloir de salle, cette mise en scène saisit avec énergie l'attention du public par des procédés à la verve populaire volontiers empruntés aux tréteaux, sans omettre les ponctuations dansées dont le caractère de revue est souligné par la chorégraphie d’Erick Margouet. Ainsi rencontre-t-elle avantageusement la facture métissée de la partition de Chostakovitch, osant s'aventurer vers le jazz tout en jouant citations et autocitations avec un sens tout personnel de la dérision. On saluera particulièrement les décors de Nicolas de Lajarte qui nous transportent dans un musée à l'iconographie comiquement propagandiste, se gardant toutefois d'appuyer trop la caricature, sur un chantier ingénieusement suggéré, puis dans les appartements flambants neufs du convoité Quartier des cerises, après un générique filmique bienvenu (après le Prologue) projeté entre deux altières affiches.
Seule réserve : les dialogues ne bénéficient pas d'une expression crédible, les chanteurs (qui, par définition, usent d'une voix « travaillée ») livrant le plus maladroitement qui soit le texte parlé. Moindre mal, car la prestation vocale proprement dite s'avère dans l'ensemble tout-à-fait satisfaisante. À l'étonnante et drolatique Edwige Bourdy (Grosse dame) s'adjoignent la voix de velours et la belle présence d’Yana Boukoff (Macha), la truculente composition de Cécile Galois (Vava), le chant sensible et nuancé de Joanna Malewski (Lidotchka) et l'impressionnant charisme de la Lioussia de Ira Barsky qui « crève l'écran ». Côté messieurs, si Patrick Mallette donne un Boris uniquement en force – certes, la santé de la voix est admirable, mais l'art du chant exige d'autres épices –, Jean-François Borras est un Sergueï attachant au timbre clair doté d'un aigu facile, tandis qu'on retrouve la bonne humeur de Nicolas Courjal dans le rôle de l'apparatchik véreux Drebedniov. Une surprise : Lionel Peintre, dont le sens musical autant que la vaillance demeurent inchangées, joue Babourov tout en menant la fosse, ou plutôt le spectacle est conçu autour d'un Babourov « Camarade chef d'orchestre » à la tête des musiciens de l'Orchestre de l'Opéra Toulon Provence Méditerranée. Une autre façon de célébrer le centenaire de Chostakovitch !
BB