Chroniques

par bruno serrou

à l’heure de Pierre Boulez
moments d’alto, puis à deux pianos

Festival Messiaen au Pays de la Meije / Église des Hières et Église de La Grave
- 1er août 2010
Festival Messiaen au Pays de la Meije à l’heure de Pierre Boulez
© bertrand bolognesi

Parmi les nombreux élèves d’Olivier Messiaen, l’un des plus célèbres est assurément Pierre Boulez. Si ce dernier n’est guère resté auprès de lui, il n’en sera pas moins marqué par les leçons d’harmonie et d’analyse de son grand aîné. Les relations subiront par la suite des variations, le disciple n’étant pas un inconditionnel des œuvres du maître, allant jusqu’à se faire parfois caustique à l’égard d’un certain nombre d’entre elles, particulièrement envers les Petites liturgies de la présence divine et la Turangalilâ-Symphonie, mais dirigeant avec foi d’autres partitions, comme Couleurs de la Cité céleste ou Et expecto resurrectionem mortuorum.

En l’absence de Pierre Boulez, arrivé sur les lieux du festival le lendemain, la jeune altiste Lise Berthaud proposait en l’église des Hières un récital qui s’ouvrit sur la Suite n°1 pour violoncelle de Johann Sebastian Bach dans l’arrangement pour alto que tous les apprentis altistes fréquentent assidûment, faute de répertoire classique. Lise Berthaud en donne une interprétation aux sonorités charnues mais sa vision manque d’élan. Deuxième pièce du programme : les six Jelek (Caractères) pour alto Op.5 de György Kurtág. Composées en 1961 et révisées en 1994, ces courtes pièces dans le style aphoristique hérité de Webern appartiennent à cet ensemble de miniatures instrumentales caractéristiques de l’œuvre du Hongrois, écrites entre 1960 et 1963. Elles sont servies de façon un peu monochrome. En revanche, de la grande Sonate pour alto (1991-1994) de György Ligeti créée en son entier en 1994 par Tabea Zimmermann, à qui les premier et sixième mouvements sont dédiés – les autres l’étant respectivement à Alfred Schlee, à Sándor Veress, à Klaus Klein et à Louise Duchesneau –, Lise Berthaud brosse une lecture chaleureuse dans les mouvements vifs (Koop et Presto con sordino), après une introduction (Hora Lunga) crispée, mais allant se libérant dans les deux volets ultimes (Lamento et Chaconne chromatique), laissant ainsi une excellente impression générale.

Dans l’église de La Grave, le récital à deux pianos met en regard le maître Messiaen et Boulez l’élève pour un hommage à la seconde épouse du premier (camarade de classe du second au Conservatoire de Paris), Yvonne Loriod, disparue en mai dernier. Elle fut aussi la créatrice des deux œuvres programmées, le second livre des Structures pour deux pianos de Boulez et les Visions de l’Amen de Messiaen. C’est l’un des solistes de l’Ensemble Intercontemporain, Dimitri Vassilakis, qui sera la cheville ouvrière de ce concert, partageant les partitions avec la Sud-Africaine Jill Richards pour la première pièce et la Française Géraldine Dutroncy pour la seconde, chacune abordant pour la première fois ces pages.

Dans l’acoustique chaude et flatteuse de l’église, les résonnances lumineuses des Structures (1961), œuvre spéculative inspirée du Mode de valeurs et d'intensités – deuxième des Quatre Etudes de Rythme pour piano solo (1949-1950) de Messiaen –, s’épanouissent avec rigueur, servies par le jeu précis et engagé de ses interprètes. Les Visions de l'Amen de Messiaen s’avèrent rythmiquement et techniquementimpeccables, le toucher des pianistes exaltant la richesse de timbres et le nuancier, mais le jeu trop carré et la vision distanciée.

BS