Chroniques

par laurent bergnach

Witold Lutosławski
Vingt chants de Noël polonais – Lacrimosa – Cinq chansons

1 CD Naxos (2005)
8.555994
Witold Lutosławski | œuvres pour voix et orchestre

Si les cycles de Witold Lutosławski pour chant et orchestre reviennent régulièrement dans la dernière partie de sa carrière – Trois Poèmes d'Henri Michaux (1963), Paroles tissées, Les Espaces du sommeil (1975), Chantefleurs et Chantefables (1990) -, c'est dans l’immédiat après-guerre qu'on y trouve une origine, quand sa Pologne natale est confrontée à la politique culturelle du Réalisme Socialiste. Sa Symphonie n°1 (1948) accusée de formalisme, il devient dès lors difficile, pour le compositeur trentenaire, de poursuivre certaines recherches – auxquelles il reviendra plus tard, comme l'aléatoire contrôlé, par exemple, dans la lignée de John Cage.

Pianiste de bistrot pour gagner sa vie à l'aube des années quarante, toute une décennie limite Lutosławski à composer des pièces pour enfants, des musiques de théâtre, des œuvres d'inspiration folklorique. Ces dernières, cependant, au regard d'un père et d'un oncle fusillés à Moscou, en 1918, pour leur engagement politique, peuvent être vues comme un hommage aux racines traditionnelles, de même qu'à Karol Szymanowski, une de ses premières influences artistiques. Les Vingt chants de Noël polonais, créés en janvier 1947 pour soprano et piano, semblent dès lors une concession et un défi. C'est quarante ans plus tard, en décembre 85, que leur auteur en remaniera dix-sept pour un chœur accompagné du London Sinfonietta. Le cycle complet sera entendu à Edinburgh, le 14 décembre 1990. Ici, la soliste Olga Pasichnyk, peu charismatique, séduit moins que le Chœur de la Radio Polonaise et la délicate précision d'Antoni Wit dans une musique à la sobriété intemporelle.

Si le régime politique a peu bougé après octobre 1956, les contraintes artistiques ont connu un certain dégel. Cinq Chansons, sur des poèmes de la poétesse lituanienne Kazimiera Illakowicz date de l'année suivante ; le compositeur y livre au grand jour le fruit de ses recherches dodécaphoniques. Là encore, l'ouvrage est d'abord donné par un duo soprano-piano avant d'être arrangé pour « trente instruments solos ». Cette nouvelle version sera créée à Katowice, le 12 février 1960. La voix de l'alto Jadwiga Rappé, expressive, colore cette œuvre au climat nocturne, entre mystère feutré et tension percussive.

LB