Chroniques

par laurent bergnach

Trois chorégraphies de Christopher Bruce
Silence is the end of our song – Swansong – Rooster

1 DVD Arthaus Musik (2006)
100 426
Trois chorégraphies de Christopher Bruce

Comptant parmi les derniers élèves de Marie Rambert, le danseur Christopher Bruce (né en 1945) voit sa réputation internationale grandir en devenant chorégraphe résident à la Rambert Dance Company (1979-1987), chorégraphe associé au London Festival Ballet (1986-1991) et permanent au House Ballet (1989-1998). Chose rare en danse, nombre de ses œuvres a une portée politique, comme en témoigne la quasi totalité de ce DVD.

Créé pour le Ballet Royal Danois de Copenhague, Silence is the end of our song (1983) – deux ans après Ghost Dances –, revient en terre sud-américaine pour évoquer le coup d'état de Pinochet (11 septembre 1973) visant à se débarrasser du socialiste chilien Allende. Filmé pour la télévision, ce ballet est entrecoupé d'images d'archives, succession de visages souriants ou emprisonnés, de travailleurs ou de militaires. Neuf de ses dix parties, accompagnées du chant de Victor Jara – auteur-compositeur qui fut torturé à mort –, sont introduites par une traduction en anglais des paroles originales. Plus souvent en groupe qu'en solo, les danseurs se succèdent avec rapidité, exécutant des sauts amples et tout en souplesse, en alternance avec des passages lents et doux, puis une ronde folklorique stylisée, une danse rituelle, etc.

Dans Swansong (1983), le Britannique transforme à nouveau un réquisitoire moral en un message artistique. Chorégraphié pour l'English National Ballet, ce trio est devenu un classique de la danse contemporaine sur un sujet extrêmement sensible : un interrogatoire assez cynique qui tourne au spectacle de variétés (avec claquettes et tics de music-hall), dégénère en séance de torture et se termine par la mort du détenu – on pense souvent à Orange mécanique. La musique électronique de Philip Chambon accompagne la tension croissante de ces neuf parties, qui réservent à la victime quelques moments de solitude et l'échappée finale vers une liberté lumineuse.

Écrit pour le Ballet de Genève, moins douloureusement, Rooster (1991) nous plonge dans la drague des années soixante, entre rock acrobatique et danse de salon. On est en pleine parodie : les hommes friment et paradent comme des coqs, les filles se moquent et balancent des gifles, les couples se font et se défont au tempo de huit succès Rythm and Blues des Rollings Stones, enregistrés entre 1964 et 1969 – Paint it black, Sympathy for the Devil, Little red Rooster, etc. C'est sans doute le plus moderne et le plus intéressant des trois ballets.

LB