Chroniques

par laurent bergnach

Thomas Adès
The Tempest | La tempête

1 coffret 2 CD EMI Classics (2009)
6 95234 2
Thomas Adès | The Tempest

L'argument de The Tempest est connu : Prospero, duc de Milan, a été chassé de son duché par son frère Antonio, lequel a intrigué auprès du roi de Naples. Embarqué avec sa fille Miranda « sur un radeau pourrissant / Sans mât ni gréement », il vit désormais sur l'île où ils ont échoués. Quand l'opéra commence, une douzaine d'années plus tard, Miranda soupçonne son père – passé maître dans l'art de la magie appris dans les livres – du naufrage d'un navire passant au large. Il lui raconte alors que des ennemis s'y trouvaient, responsables de leur exil actuel. Servis par l'esprit Ariel et par Caliban, héritier de la défunte souveraine de l'île, Prospero prépare la suite de sa vengeance… jusqu'au pardon final. Pour cette transposition de la dernière pièce de Shakespeare (1611), Meredith Oakes simplifie une action riche en multiples intrigues parallèles et élimine les personnages secondaires s'y rattachant. L'écriture versifiée du texte est conservée, mais la librettiste en actualise le vocabulaire.

Près d'une décennie après l'opéra de chambre Powder her face [lire notre critique du DVD], Thomas Adès livre sa nouvelle production lyrique, créée à Covent Garden le 10 février 2004. Auteur d'un livre sur le compositeur, Hélène Cao remarque qu'en revendiquant l'intégration de références, Adès n'en imprime pas moins son propre style, soit « […] une écriture rythmique complexe, usant de superpositions polyrythmiques, de nombreux changements de mesures et de valeurs irrationnelles, dans les parties instrumentales comme vocales ; un discours construit à partir de cellules de quelques notes ; des combinaisons de timbres et de modes de jeu qui créent des effets sonores inédits, un goût pour la virtuosité – au demeurant placé au service du drame et de la caractérisation des personnages. » (L'Avant-scène Opéra n°222, 2004)

Faisant suite à sa présentation strasbourgeoise [lire notre chronique du 26 septembre 2004], cette reprise enregistrée en 2007 permet de retrouver des artistes de la création : Simon Keenlyside (Prospero dans la force de l'âge, vaillant et nuancé), Toby Spence (Ferdinand de clarté et de chair), Cyndia Sieden (Ariel aux suraigus agiles, tantôt agités, tantôt éthérés – fin de la scène 5, Acte I) ou encore Ian Bostridge (Caliban) et Philip Langridge (King of Naples). Caressante et expressive, Kate Royal (Miranda) rejoint la distribution d'origine, placée de nouveau sous la baguette du compositeur lui-même. Saluons cette sortie dont le classicisme pourra séduire les plus méfiants, avec juste un regret : l'absence de traduction française vis-à-vis le livret anglais.

LB