Chroniques

par laurent bergnach

Thierry Pécou
Passeurs d'eau

1 CD Intégral Classic (2007)
INT 221.160
Thierry Pécou | Passeurs d'eau

C'est par le piano que Thierry Pécou (né en 1965) découvre la musique avant d'aborder la composition, d'abord en autodidacte puis par l'étude de l'harmonie et du contrepoint. Différents stages enrichissent sa formation au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, notamment au Banff Centre for the Arts (Canada) où il est régulièrement invité depuis un premier séjour (1989-1993) et en Russie (1994-1995). Membre de la Casa de Velàsquez, fondateur de l'Ensemble Zellig, le compositeur est amené à de fréquents voyages qui nourrissent son œuvre en profondeur, comme autant de photographies sonores d'un moment et d'un lieu : Berlin l'invite à s'imprégner du répertoire romantique allemand à l'origine de La Ronde hurlante (1991), Cuba lui permet d'assister à un rituel qui donne naissance à Changò (1993), la forêt tropicale du Chiapas (Mexique) inspire La partition de la Jungle (1993), etc. Liés aux commandes qu'on lui fait, la diversité des lieux de créations (Ambronay, Bath, Ferrare, Madrid, Marseille, Metz, Moscou, Paris, Quimper, Shanghai, Strasbourg, etc.) finit de le sacrer citoyen du monde – à en devenir un cliché.

Sur un texte de Christine Mananzar – « un voyage intérieur de la mort à la renaissance, à travers des rituels de funérailles, de fertilité, d'accouchement et du récit de la mythologie yagua » –, cette cantate amazonienne, rituel autour de l'eau (les grands fleuves de l'Amérique du Sud), prend la forme d'un dialogue entre cinq chanteuses et trois instrumentistes de l'Ensemble Zellig avec deux musiciens-chanteurs de Yaki Kandru – pour qui l'art amérindien, souvent en voie d'extinction, doit échapper à sa catégorie ethnomusicologique pour retrouver son public.

En quatre parties et dix-huit chants qui excèdent rarement cinq minutes, l'ouvrage évoque quelquefois des pistes empruntées par Messiaen ou Ohana mais possède sa force propre, par le mélange de dialectes et par l'emploi d'instruments originaux comme la viole de gambe ténor, la flûte amérindienne qui interrompt Jorge López Palacio (chant n°7), et bien sûr l'ocarina (Grand chant n°12 – suite), si important dans un univers où certains objets sont tabous pour le sexe opposé.

LB