Chroniques

par laurent bergnach

récital Séverine Ballon
Blondeau – Dillon – Lanza – Lim – Saunders

1 CD æon (2015)
AECD 1647
Séverine Ballon joue Blondeau, Dillon, Lanza, Lim et Saunders

Après des études allemandes avec Joseph Schwab et Troels Svane (Hochschule de Berlin et Lübeck), Séverine Ballon affirme son goût pour le répertoire de son temps auprès de Siegfried Palm, Pierre Strauch et Rohan de Saram. De fait, depuis une dizaine d’années on la retrouve au sein de plusieurs ensembles européens (Ictus, Intercontemporain, Klangforum, Modern Akademie, MusikFabrik). Si nous l’avions découverte jouant seule Hudry et Laporte, puis Filidei [lire nos chroniques du 19 septembre 2010 et du 25 janvier 2011], la musicienne travaille étroitement, depuis des années, avec d’autres compositeurs tels Lachenmann, Czernowin, Saunders et Dillon.

À ce dernier (né en 1950) appartient l’œuvre la plus ancienne au programme : Parjanya-Vata (Londres, 1981), récompensée par un prix de composition Kranichsteiner aux cours d’été de Darmstadt (1982), et dont le titre fait irrésistiblement penser à Jonathan Harvey [lire notre critique du CD]. Le natif de Glasgow explique : « dans les hymnes védiques anciens, parjanya est la personnification de la pluie, et vata (ou vayu), celle du vent. Leurs pouvoirs combinés sont associés à Indra, le dieu hindou du firmanent ». On aime cette pièce faisant succéder à des frôlements délicats une vitalité virtuose, ludique et dansante.

Partagée entre écriture et enseignement depuis deux décennies, l’Australienne Liza Lim (née en 1966) fait se rencontrer abstraction moderniste et art traditionnel (culture aborigène, théâtre chinois, instruments japonais, etc.). Nombre de ses pièces sont des solos liés à des outils inhabituels (flûte à bec, bugle, trombone, euphonium, koto, etc.). C’est Séverine Ballon qui créa Invisibility (Huddersfield, 2009), ici donnée dans un studio de la radio de Brême. Cette page rugueuse repose sur le contraste (opacité/lumière, fluidité/résistance), à l’image de l’archet guiro (alternance de bois et de crin) utilisé en grande partie d’exécution.

De l’Anglaise Rebecca Saunders (née en 1967), nous connaissons des pièces pour petit ou grand ensemble – Triptychon, Still, Stirring Still [lire nos chroniques du 13 novembre 2004, des 20 et 29 mars 2014]. Induisant l’idée de retrait au monde, de réclusion en soi-même, Solitude (Huddersfield, 2013) présente des climats contrastés, un trille harmonique double ainsi qu’une scordatura : le ut grave du violoncelle est accordée une octave en dessous, pouvant dès lors rivaliser avec un mi grave de contrebasse. Sur la corde détendue, l’archer sert « un son fragile mais essentiel [qui retourne au silence] après une présence brève mais flamboyante » – dixit John Fallas, auteur de la notice.

Avec Blackbird (Lyon, 2014), Thierry Blondeau (né en 1961) propose un cheminement allant des profondeurs vers une clairière lumineuse, à la rencontre du « rôle-titre ». Le programme s’achève avec La bataille de Caresme et de Charnage (Brest, 2012), duo avec piano d’un élève de Ferneyhough, Sciarrino et Grisey : Mauro Lanza (né en 1975) [lire notre chronique du 22 septembre 2009]. Qu’il s’intéresse à l’assassinat d’Umberto Ier ou aux misères de Job [lire nos chroniques du 6 février 2016 et du 19 septembre 2011], le Vénitien traite du pouvoir et du désordre, en définitive, comme dans cette Bataille cocasse et instable où règnent instruments préparés, vocalises et jouets (appeaux, sonnette de comptoir, coussin péteur…). Mark Knoop est au clavier.

LB