Chroniques

par samuel moreau

récital Renata Scotto
Tokyo (1984) – Lanaudière (1986)

1 DVD VAI (2004)
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récital à Tokyo (1984) – concert à Lanaudière (1986)

On ne peut évidemment pas résumer ici quarante ans d'une carrière aussi extraordinaire que celle de Renata Scotto, artiste qui a défendu une centaine de rôles et qui continue de vivre pour la scène puisque, outre ses cours, elle s'est fait aussi un nom dans le domaine de la mise en scène. Disons juste – puisque c'est aussi le plat de résistance de ce DVD – à quel point la cantatrice, née le 24 février 1934 à Savona, a servi la musique de son pays : débuts à 18 ans dans La Traviata (Milan, 1952) puis dans La Wally (1953), remplacement de Maria Callas dans La sonnambula (Edimbourg, 1957), La Bohème (Chicago, 1960), Madame Butterfly (New York, 1962), etc. On a souvent traité Scottina d'ambitieuse ; mais n'était-ce pas aussi de l'humilité, alors qu'elle incarnait déjà Violetta et Cio-Cio San, que d'avoir repris des cours avec Mercedes Llopa pour mettre son organe au diapason de ces rôles ? Bien des jeunes chanteuses arrivées d'aujourd'hui devraient prendre exemple.

C'est dans le cadre du Festival d'été de Lanaudière (Canada), le 21 août 1986, que nous retrouvons d'abord la soprano, dans un programme où nous goûtons sa parfaite maîtrise du bel canto. À cet égard, Verdi lui va comme un gant, et les deux premiers airs – Salce, salce… Ave Maria (Otello) et Nel di della vittoria (Macbeth) – nous permettent d’emblée de mesurer les qualités techniques de la chanteuse (chant admirablement bien mené, nuances sur les reprises de motifs, piannissimi incroyables) comme son génie de la scène. Économe de moyens expressifs, consciente de la situation qui est la leur, Scotto incarne des personnages qui vivent et évoluent, qu'ils soient amoureux (Lauretta, dans Gianni Schicchi) ou au désespoir (Manon Lescaut ou Wally). De quelle autre artiste pourrait-on dire que même le silence est chanté ?

Deux ans plus tôt, Renata Scotto chantait à la Salle de concert de la NHK à Tokyo, devant un public bien pourvu en fleurs et appareils photos. Là encore, le soprano fait preuve de ses qualités vocales – legato toujours nourri (Sonetti di Petrarca de Liszt) – qui va jusqu'à la démonstration technique (La Promessa, La Pastorella de Rossini). Les Cinq pages tirés d'un album de Verdi et Vissi d'arte…, Tu ? Tu ?... piccolo Iddio de Puccini viennent quant à eux rendrent compte de son sens dramatique. Même sur Tu che le vanità entendu plus tôt, elle semble plus intérieure, plus proche du texte.

D'une manière générale, l'acoustique de la Cathédrale de Joliette et la mollesse de Raffi Armenian à la tête de l'Orchestre Symphonique de Québec ne tiennent pas la comparaison avec le pianiste Thomas Fulton, lequel sait tirer vers Liszt un air de Don Carlo et nous convaincre par son moelleux (Sole e amore – Puccini), son articulation (Cara e dolce… Bellezza che s'ama– Scarlatti) et sa régularité (La Danza – Rossini). Seul soucis de ce récital, des problèmes d'ornementations interviennent sur Händel et Scarlatti ; mais, ce 2 septembre 1984, nous savons n'être qu'aux prémisses du renouveau baroque…

SM