Chroniques

par david verdier

récital Les Passion de l’Ame
Biber – Fux – Schmelzer

1 CD Deutche Harmonia Mundi (2013)
8883748742
Les Passion de l’Ame (ensemble) joue Biber, Fux et Schmelzer

Au programme de ce corpus, un bouquet choisi de musique baroque autrichienne dont un « piment » très doux inspire le titre un brin racoleur. Si l'exotisme se confond avec le condiment, ces bizarreries ne concernent que des prouesses virtuoses bien connues et l'emploi d'un instrumentarium complémentaire assez inhabituel – percussions et dulcimer (ou doulcemelle, sorte de cymbalum portatif).

Pour cet enregistrement, la violoniste Meret Lüthi a obtenu l'autorisation de pouvoir jouer les instruments construits vers 1660 par le luthier Jacobus Stainer, ami d’Heinrich Ignaz Biber. Typique des ateliers d'Europe centrale (Alban, Klotz, etc.), la matité de timbre a pour corollaire une projection assez modeste. On sait gré aux équipes techniques de ne pas avoir cherché à tricher avec ces paramètres. L'ensemble Les Passion de l'Ame est capté dans une perspective globalisante, sans chercher à « zoomer » artificiellement la chair du son. La virtuosité de Meret Lüthi se satisfait pleinement d'une vision de type concerto grosso, même si certains opus auraient mérité moins de neutralité.

Les mimétismes sonores font l'intérêt du ballet Die Fechtschuhe (Le cours d'escrime) de Johann Heinrich Schmelzer – intérêt tout relatif quand reviennent les mêmes formules et les mêmes « trucs » musicaux pour rappeler le sifflement de la lame et les duels rythmiques. Dans le même esprit, mais avec une inventivité décuplée, la Sonata representativa se feuillette comme un Buffon surréaliste, chaque page apportant son lot d'étranges volatiles. On savoure sourire aux lèvres la modernité de ce catalogue de cris et de bruits pas toujours identifiables.

L'extrême précision des bariolages à deux violons fait des Partia III et VI (extraites des Harmonia Artificiosa Ariosa, et signées Biber) les deux moments les plus intéressants du disque. Seul l'appauvrissement du continuo contraste avec des cordes qui s'ébrouent spectaculairement dans une pluie de couleurs.

La verroterie encombrante de la Turcaria à trois voix de Johann Joseph Fux n'atteint pas à la folie de La Bataille contre les Turcs (Die Türkenschlacht bei Wien 1683) de Schmelzer. Au delà de l'orientalisme décoratif et des allusions directes à la présence historique de l'Empire Ottoman, les formules et les intrusions stylistiques donnent à cette page une inspiration inépuisable. Les grappes de notes vif-argent se mêlent à un contrepoint vif, parfaitement maîtrisé par les solistes des Passion de l'Ame.

DV