Chroniques

par samuel moreau

récital L’Itinéraire Médiéval
Brulé – Coucy – Dijon – Oisy

1 CD Calliope (2006)
CAL 9528
récital L’Itinéraire Médiéval (ensemble)

Après les musiques d'Honegger et de Lully [lire notre critique du CD], Rencontres, la collection musicale et littéraire coproduite par Calliope et le Conseil Général de l'Aisne, propose une nouvelle rareté. Le Cœur mangé, sous-titré La légende du premier trouvère, met à l'honneur Renaud de Coucy, un châtelain contemporain de Richard Cœur de Lion et Thibaut IV, roi de Navarre. Il fut le premier de sa confrérie à être édité, grâce à une œuvre d'un grand lyrisme, pleine de sincérité et qui dépasse la convention de l'amour courtois. Sa mort eut probablement lieu en 1203, au cours de la quatrième croisade. Quinze chansons lui sont attribuées avec certitude – dont la moitié gravée sur ce disque, auxquelles s'ajoutent des pièces lyriques originales : rondeau d’Huon d’Oisy, Chanterai por mon corage de Guyot de Dijon et Pour verdure ne pour pree de Gace Brulé.

Au milieu du XIIe siècle, à la même époque, le genre romanesque apparaît en France et séduit par son intérêt pour les questions amoureuses – « Joie sans peine, c'est faveur de dame de peu de prix »entendons-nous ici. Les auteurs s'emparent de la légende de Coucy, née des différentes chansons qui laissaient deviner l'ébauche d'une histoire d'amour douloureuse. Le roman du castelain de Couci et de la dame du Fayel voit le jour en premier, écrit en picard et composé de 8266 vers octosyllabiques dont les derniers portent en acrostiche le mot Jakemès, son auteur. C'est un exemple typique de narration à insertion musicale, abondante au Moyen Âge.

Face à la richesse du récit de Jakemès, l'abondance des situations, l'usage de dialogues vivants, L'Itinéraire Médiéval a choisi de faire des coupes et des raccourcis, sans perdre la cohérence et l'esprit de l'œuvre. Katia Caré et Pierre Bourhis chantent la joie puis la plainte des amants piégés par les jaloux, tandis que Guillaume Edé nous conte l'histoire en français moderne. Un certain nombre d'éléments musicaux on été ajoutés pour accompagner discrètement la narration, ponctuer le discours (des intermèdes festifs), et aussi donner une dimension au personnage de la Dame – d'où la présence émouvante d'une flûte médiévale, jouée par Florence Jacquemart, sur les épisodes du remords et du désespoir.

SM