Chroniques

par laurent bergnach

récital Aya Kono
Bartók – Jolivet – Miyoshi

1 CD Initiale (2019)
INL 04
La violoniste Aya Kono joue cinq pièces signées Bartók, Jolivet et Miyoshi

Diplômée de l’université de Toho Gakuen (Japon), la violoniste Aya Kono se forme dans son pays natal (Aguri Suzuki, Akiko Tatsumi, Yoshio Unno), avant de venir se perfectionner à Paris (Devy Erlih, Patrice Fontanarosa, Olivier Charlier, Joanna Matkowska, Hae-Sun Kang). On la retrouve alors dans nombre d’ensembles proches de la création (Court-circuit, Intercontemporain, MusikFabrik). Pour Initiale, « le label du Conservatoire », elle enregistre Bartók, Miyoshi, et surtout André Jolivet (1905-1974) à qui elle rend un hommage appuyé, avec trois pièces dont deux soli. À ce sujet, la biographe Lucie Kayas [lire notre critique de l’ouvrage] rappelle les mots du compositeur que des solistes enregistrent régulièrement [lire nos critiques des CD ALM Records, Lyrinx et Stradivarius] :

« Une œuvre pour instrument seul est une ascèse. Pour celui qui l’écrit : qui se doit de pénétrer la nature profonde de l’instrument, et dégager ses possibilités expressives les plus caractéristiques et d’en maîtriser la technique, afin de mettre en évidence l’ensemble de ses qualités. Pour l’interprète : qui doit, par son jeu et sa musicalité, magnifier les vertus de son instrument et, seul avec lui et partant de lui, donner l’impression qu’il recrée la musique de la façon la plus complète, la plus intense – et la plus naturelle » (notice du CD).

Le premier solo appartient à la jeunesse du Français, passé de l’enseignement de Le Paul Le Flem à celui d’Edgar Varèse. Pour Aya Kono, jouer la brève Incantation sur la corde de sol (1937), un arrangement d’Incantation – …Pour que l'image devienne symbole (pour flûte en sol ou en ut), implique « un son très profond, tandis que la limitation quasi spatiale produit une sensation d’étouffement, rappelant Syrinx de Debussy, avec une dimension plus sauvage ».

Le second solo est une œuvre de la maturité, Suite rhapsodique (1965), inspirée par les musiques hébraïques et orientales entendues quelque temps plus tôt, lors d’un séjour à Israël. Selon Devy Erlih qui l’a présentée au public en 1966, après sa création à l’ambassade du Canada à Paris, elle réinvente « la magie, la transcendance, le mysticisme ». Notre interprète la joue avec la vivacité et la chaleur requises. Le programme Jolivet s’achève avec une autre pièce de jeunesse, la Sonate pour violon et piano (1935).

Aya Kono et Takuya Otaki interprètent aussi la Rhapsodie n°1 (1929) que Béla Bartók (1881-1945) dédia au virtuose József Szigeti. Le lauréat d’un Premier Prix lors de l’édition 2016 du Concours international de piano d’Orléans offre un jeu très présent, clair et musclé, en connaisseur de la virtuosité bartókienne qui fit l’objet de son premier disque gravé. Évoquons enfin Miroir (1981) du Japonais Akira Miyoshi (1933-2013) qui séjourna un temps en France après avoir été l’élève du violoniste et compositeur Kōzaburō Hirai (1910-2002). C’est une page pour violon qui enthousiasme par son balancement continu entre méditation et narration.

LB