Chroniques

par laurent bergnach

Leoš Janáček
Věc Makropulos | L’affaire Makropoulos

1 DVD Warner Vision (2005) zones 2, 3, 4, 5, 6
0630-14016-2
production filmée à Glyndebourne en 1995

Avant-dernier opéra de Leoš Janáček (disparu en 1928), Věc Makropulos a été composé entre novembre 1923 et décembre 1925, d'après une pièce de Karel Capek découverte le 10 décembre 1922. Cette représentation marqua le créateur, puisque dans une lettre à sa muse Kamila Stösslová, datée du 28, il écrit : « On donne en ce moment Makropoulos à Prague. Une femme de 337 ans mais en même temps, jeune et belle. Aimeriez-vous être ainsi ? Et savez-vous combien elle était malheureuse ? Nous sommes heureux car nous savons que notre vie est brève. C'est pourquoi nous profitons pleinement de chaque instant ».

Janáček a souhaité réaliser lui-même l'adaptation, et il dut s'y reprendre à trois fois pour être satisfait de son livret. Gardant la structure générale de la pièce, il a réduit la présence des personnages secondaires et gommé tout l'arrière-plan philosophique, pour arriver à un opéra en trois actes ne dépassant pas deux heures. Concernant la traduction du titre, certains préconisent de revenir au mot secret de l'origine – plutôt que procès ou affaire –, puisque qu'un suspense et un mystère sont liés effectivement au document rédigé en grec que l'héroïne s'évertue à retrouver. L'œuvre a été créée à Brno, le 18 décembre 1926.

Dans cette production filmée intelligemment à Glyndebourne en 1995, nous retrouvons avec bonheur Anja Silja en Emilia – laquelle défendait ce rôle encore il y a peu, à Lyon [lire notre chronique du 3 juin 2005]. La soprano incarne avec conviction cette femme fatale, insensible et blasée qui semble annoncer un autre monstre de même nature : Lulu, sa cadette de dix ans. Maternelle et dominatrice avec Albert (vaillant Kim Begley), pur objet de luxure avec Prus (Victor Brain, plutôt fatigué), détachée de la mort de Janek (Christopher Ventris), elle semble revenue de tout.

Dommage que la mise en scène de Nikolaus Lehnhoff, au troisième acte, souligne aussi vulgairement le rôle du whisky dans les révélations apportées par l'héroïne. Du même coup, on prend comme un cliché la faucheuse du début, et on s'interroge encore sur ce piano renversé qui lâche ses partitions du plafond. Moins de réserve avec la direction, tonique et moelleuse, d’Andrew Davis à la tête du London Philharmonic, si ce n'est une prise de son qui couvre parfois les voix. Terminons en signalant l'absence de sous-titres français.

LB