Chroniques

par katy oberlé

Joseph Haydn – Wolfgang Amadeus Mozart
airs variés

1 CD Sony Classical / RCA Red Seal (2014)
82876771432
récital Haydn et Mozart d’Anja Harteros

Des voix comme celle d’Anja Harteros, il en est peu. À l’opéra comme au concert ou en Liederabend, le soprano allemand enchante à chacune de ses apparitions, comme en témoigne nombre des pages de notre média. Si l’on trouve trace de certaines de ses incarnations avec toujours autant de plaisir grâce aux parutions DVD, la remise sous presse de l’album Bella Voce de 2006 est une aubaine au disque.

Mêlant des extraits d’ouvrages lyriques de Mozart à quelques airs de concert d’un catalogue qui en compte une trentaine rien que ce registre, Anja Harteros composait en 2006 un programme CD parfait en tout point, sous la baguette de Pinchas Steinberg à la tête des Wiener Sinfoniker.

La furie d’Électre ouvre la danse. C’est mordant, incisif, remarquablement présent dès le récitatif déterminant. Cette page d’Idomeneo est traversée d’une expressivité haletante, dans la voix comme dans sa respiration. Seule la diction italienne pourrait paraître laborieuse au grincheux qui ne sait pas se faire plaisir. La rigoureuse précision du rire fou en chute piquée laisse pantois. Tendre à souhait, dans une exquise onctuosité, un legato extatique domine le Porgi, amor de la Comtesse (Le nozze di Figaro). Deux passages de la partie de Fiordiligi (Così fan tutte) affirment l’extrême justesse dans la réalisation des intervalles (Come scoglio), un aigu généreux et frais, des vocalises faciles, enfin un grave bien accroché (Per pietà) et une respiration évidente. Certaines attaques avancent sur un velours séduisant et la nuance est toujours conduite avec délicatesse. Au fond, rien d’étonnant : pour être si bonne straussienne, encore fallait-il qu’elle fût excellente mozartienne, bien sûr.

Des trois arie da concerto passons vite sur celle imaginée pour Il burbero di buon core (K.583), la plus « bateau » de cette galette. En revanche, Misera, dove son, autrement dit Ezio de Métastase (K.369) est nettement plus intéressant, avec son surfilage complexe, entre accompagnato, recitativo et aria. Mais surtout, c’est l’Andromeda (K.272) de 1777 qui fait la merveille du disque, avec sa facture plus travaillée encore et un chant passionnant. C’est ici que la voix se fait la plus douce et la plus belle.

Enfin, douze minutes de Joseph Haydn viennent conclure, avec la Scena di Berenice, elle aussi traversée de récitatifs et d’airs. L’impératif convainc, dans une couleur vocale qu’on jurerait surgie du passé. Complice, Pinchas Steinberg livre une interprétation moelleuse, prenant son temps (Così), soigneuse des figures instrumentales (grâce de Vado, ma dove K.583). Son aura est grande dans l’Ezio et plus encore dans les fascinantes modulations de Haydn.

Pour le coup, on en applaudirait ses haut-parleurs !

KO