Chroniques

par laurent bergnach

Jérémie Rousseau
Leoš Janáček

Actes Sud / Classica (2005) 140 pages
ISBN 978-2-7427-5288-1
biographie de Leoš Janáček par Jérémie Rousseau

Né en 1854 dans une Moravie alors dominée par l'empire austro-hongrois, Leoš Janáček va devenir une des personnalités les plus complexes, les plus rebelles au compromis. Un caractère entier et intransigeant l'entraîne, durant toute son existence, à de nombreuses oppositions : à la langue germanique envahissante, alors qu'il est d'un patriotisme exacerbé (il créé notamment le Club des compositeurs moraves), au romantisme qui a survécu au XIXe siècle lorsqu'il découvre son vrai style à l'arrivée de la cinquantaine, ou encore à la religion –« Les cérémonies, les prières, les chants : mort et encore mort. Je ne veux rien avoir à faire avec cela ». On pourrait lui reprocher sa Messe glagolithique (1926) ou une adaptation en allemand de sa Jenůfa, demandée à Max Brod, mais la première est quasiment athée, tandis que la seconde était une stratégie pour faire accepter une musique qui participe à l'essor de la nation tchèque.

L'homme n'est pas heureux en ménage, pas plus qu'avec ses interprètes – rappelons le drôlissime « Messieurs dames, ce n'est pas mon œuvre que l'on a joué ce soir » –, avec le directeur de l'Opéra de Prague et, en admirateur de Chopin et Dvořák, avec l'impressionnisme français et l'atonalité viennoise. Si une certaine fidélité à la Russie traverse son œuvre, sa carrière ne compte pas d'alliance avec un écrivain ou un chorégraphe en particulier. Enfant de la campagne, Janáček préfère finalement la compagnie des arbres et des animaux à celle des hommes. Les femmes, en revanche, continuent longtemps de l'intéresser…

Une fois de plus, la collection Actes Sud / Classica nous offre l'essentiel, mais on reste sur sa faim. Outre une présentation de l'homme publique et privé – qui eut le soulagement, avant de s'éteindre, de voir naître la République de Tchécoslovaquie –, Jérémie Rousseau analyse judicieusement les différents opéras du compositeur. Cependant, quel gâchis d'avoir consacré autant de pages à sa liaison platonique avec la dénommée Kamila !

LB