Chroniques

par bertrand bolognesi

Hector Berlioz – Sergeï Prokofiev
Roméo et Juliette (extraits)

1 CD OPS (2005)
A 001/1
Berlioz – Prokofiev | Roméo et Juliette

Ce disque thématique évoquant les amants véronais permettra à un public parfois exclusivement centré sur la vie musicale de l'endroit où il vit d'appréhender les qualités de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Car c'est avant tout ce qui frappe à son écoute, proposant ici un travail d'un bel équilibre où l'excellence de la petite harmonie domine. À la tête de cette formation nationale, le jeune Ukrainien Kirill Karabits fait entendre sept extraits du ballet Roméo et Juliette composé par son compatriote Sergeï Prokofiev (rappelons que le musicien soviétique n'en fut jamais russe pour autant, malgré les raccourcis fréquents).

Dès les Montaigus et Capulets (Premier mouvement de la 2ème Suite), après le formidable déploiement de force de l'accord chaotique d'ouverture, on goûtera avantageusement les contrastes de sa conduite où l'efficacité des cuivres frappe l'oreille, de même que la ferme articulation des cordes. Dans Juliette enfant (Deuxième mouvement), la lecture se dessine parfois plus chambriste, tout en soulignant le caractère dansé de la partition par une précision idéale de l'accentuation ; à l'élégante fluidité des flûtes se marient la lyrique volubilité des clarinettes et la tonicité des cordes. De même appréciera-t-on la délicate nuance violonistique de la Scène du balcon (Sixième mouvement de la 1ère Suite), suivie par une Mort de Tybalt (Septième mouvement) rondement menée, avec un sens dramatique certain qui, cela dit, aurait gagné à s'aventurer vers une expressivité un rien moins sage. Saluons également la gestion exemplaire des différents plans sonores, de sorte que l'on profite de toutes leurs richesses, dans une interprétation à laquelle le souffle ne manque jamais.

Moins convaincants s'avèrent les trois épisodes extraits du Roméo et Juliette d’Hector Berlioz, affichant une sonorité grasse certes pas toujours bien venue. Si le geste et la fiabilité demeurent irréprochables, l'héritage de Gluck manque, et cette carence incline cette lecture vers unromantisme sucré, presque brahmsien, accusant par là un indéniable souci de style. On en restera donc à Prokofiev, regrettant que Karabits et l'OPS n'aient porté leur choix vers la fantaisie de Tchaïkovski qui, sans doute, ce fût mieux fondue dans un tel programme.

BB