Chroniques

par hervé kœnig

György Ligeti
Études (Livres I et II)

1 CD Naxos (2003)
8.555777
György Ligeti | Études (Livres I et II)

Habituée au répertoire du XXe siècle (Stravinsky, Ligeti, Boulez), Idil Biret attire notre attention sur le minutage très précis indiqué par Ligeti – comme c'est aussi le cas sur beaucoup de partition de Bartók. Dans le livret, on peut lire ainsi : « Après mûre réflexion, j'ai décidé de suivre les indications musicales plutôt que les strictes minutages de ces morceaux. Les compositeurs entendent intérieurement l'œuvre qu'ils créent, fixant parfois des temps rapides qui ne sont pas toujours testés sur l'instrument. »

C'est pourquoi on trouve parfois plus d'une minute trente de différence sur certains morceaux très courts, entre Idil Birett (plus lente) et d'autres pianistes ayant gravé le Livre I, comme Erika Haase, par exemple. On appréciera particulièrement ses interprétations de Cordes à vide et des fascinants Entrelacs et Escalier du diable. Elle respecte scrupuleusement toutes les indications de frappe, de nuance, de dynamique de ces deux recueils, et nous livre ainsi une version fidèle.

« Ce n'est qu'à l'âge de quatorze ans que je suis arrivé à convaincre mes parents de me faire suivre des cours de piano [...] J'aurais tant aimé être un pianiste prodigieux ! » La musique pour piano solo de György Ligeti occupe une place importante dans son œuvre, surtout avant 1956, quand il n'a pas encore quitté son pays natal. Citons, par exemple, son cycle Musica ricerceta (1951-1953), ou encore de nombreuses mélodies. Il y reviendra après les années quatre-vingt, quand il repense les aspects de son langage de compositeur. Le Livre I des Études (6 morceaux) est achevé en 1985, le Livre II (8 morceaux) est composé entre 1988 et 1994, et le Livre III – en cours d'écriture – a été commencé en 1995... Nous avons pu en entendre les pièces à ce jour disponibles lors d'un récital donné par Pierre-Laurent Aimard récemment.

Ces études, explique l'auteur, « partent d'une idée de départ très simple, et mènent de la simplicité à une grande complexité : elles se comportent comme des organismes en pleine croissance ». Pour preuve, certains titres (Désordre, Fanfares, Arc-en-ciel, Vertige, etc.) annoncent ce déploiement sonore dans l'espace.

Les influences de ces études sont multiples : Chopin, Debussy (pour la texture et l'invention), Scarlatti, Schumann (pour la technique et l'architecture), mais aussi la culture musicale sub-saharienne. On semble revoir ici, en raccourci, le parcours du compositeur : ses travaux d'étudiant, sous le regard de Sándor Veress, étaient souvent des pastiches de maîtres baroques et classiques, tandis que l'homme mûr découvre – toujours dans les années quatre-vingt – la musique pour piano mécanique de Conlon Nancarrow et les polyphonies des Pygmées Aka. Par rapport aux œuvres plus anciennes, l'harmonie s'est épurée, la répétition se généralise et la tonalité ressurgit.

HK