Chroniques

par samuel moreau

Georg Friedrich Händel
Agrippina | Agrippine

1 DVD EuroArts (2005)
2054538
en 1985, au Rokokotheater Schwetzingen

C'est au cardinal Vincenzo Grimani, ambassadeur impérial au Vatican et futur vice-roi de Naples, que nous devons le livret d'Agrippina ainsi que les premières représentations de l'ouvrage, de 1709 à 1710, dans son théâtre familial. L'homme – un des plus puissants protecteurs deHändel – soutient les Habsbourg dans la guerre de succession espagnole et, de fait, n'hésite pas à faire une satire de la politique de Clément XI, lequel défend mollement le camp adverse. L'auteur s'appuie sur les manigances d'Agrippine rapportées par Tacite et Suétone, mais en prenant de grandes libertés avec des personnages dont, mis à part le serviteur Lesbo, l'existence est attestée historiquement. Loin des morts violentes et des leçons de morale religieuse de l'Antiquité, son livret se termine joyeusement, chacun ayant obtenu soit l'amour, soit le pouvoir. Cependant, l'harmonie est trompeuse, puisque l'Empereur se montre moins niais qu'il n'y paraît...

Barbara Danielsincarne avec talent une nièce et épouse de Claude qui parvient à se servir sans cesse de faits en sa défaveur pour en faire le meilleur usage possible. Son œil pétille d'intelligence, son sourire éclot en un quart de seconde, et elle n'hésite pas – clin d'œil aux mœurs d'avant la chrétienté – à caresser Poppea, à embrasser son fils si c'est là un raccourci vers le but à atteindre. Outre l'impression qu'elle donne d'improviser, au fil des retournements de situation, des récitatifs précis et expressifs, le soprano possède un chant nuancé aux vocalises nourries. Son air Pensieri, voi mi tormentate nous émeut car la montre sensible à la souffrance (même si c'est la sienne). De même, son ennemie nous est montrée d'abord futile puis touchante, lorsqu'elle est au cœur d'une machination. Janice Hall, volubile et légère, chante avec facilité et style une Poppée attachante.

En revanche, la distribution masculine déçoit. Certes, en 1985 lors de cette captation soignée au Rokokotheater Schwetzingen, les grandes voix n'ont pas encore trouvé leurs marques dans le répertoire baroque, mais à ce point-là ! Günther von Kannen (Claude) manque de précision, de justesse et son impact est mou. Claudio Nicolai (Ottone), déjà un peu vieux pour un rôle d'amoureux naïf, déçoit par sa lourdeur, un grave très creux. Ulrich Hielscher (Pallante) hurle avec raideur. Eberhard Katz (Narciso), laborieux, savonne ses vocalises. Pour répondre à la belle mise en scène réaliste de Michael Hampe – on soulignera le soin apporté à faire passer les apartés –, le castrat laisse place au ténor : David Kuebler est donc Nerone. Le soliste possède un timbre aigre, manque d'égalité, de justesse, et s'il retrouve par moments de la tonicité, la vocalise est flottante. En vieux serviteur, Carlos Feller (Lesbo) s'avère vaillant.

À la tête des London Baroque Players, Arnold Östman livre une lecture élégante et tonique, à l'accentuation peu échevelée, qui manque parfois de folie pour répondre à une dramaturgie incontestablement bouffonne et badine.

SM